Voir sans les yeux
La guidance muséale pour déficients visuels
Kimberley Parée
Mémoire présenté en vue de l'obtention du Diplôme
d'études approfondies
en Philosophie et Lettres, orientation Didactique.
Année académique 2005-2006
Université Catholique de Louvain-La-Neuve
Faculté de Philosophie et Lettres
Département de Didactique
Promoteur: Marie-Emilie Ricker
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Remerciements
Je tiens à remercier ma promotrice, Marie-Emilie Ricker, pour la qualité de son enseignement, pour m'avoir accompagnée et guidée pour ce mémoire; je la remercie également pour sa sensibilité et sa gentillesse envers moi. Merci à Thierry Grosbois pour m'avoir accompagnée durant cinq ans, avec beaucoup de compétence et de gentillesse.
Merci à Giselle Vanbeveren, Sylvie De Dryver, Marie-Cécile Bruwier, Anne-Françoise Rasseaux, Marie-Suzanne Gilleman et sa collègue Murielle Alpen pour l'accueil ouvert et sympathique que j'ai reçu lors de mes visites aux Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire, au Musée de Louvain-La-Neuve, au Musée royal de Mariemont et aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles. Je tiens à remercier toute l'équipe pédagogique du Musée d'art contemporain du Grand-Hornu pour son très bon travail et son accueil chaleureux.
Je remercie mes lectrices qui ont donné, avec tant de générosité, de leur temps et de leur voix pour me permettre d'accéder à tous les livres: Mme M.-T. Rouchaud, F. Van Goethem et Mme F. Rosart. Merci aussi aux membres du service d'accompagnement de l'U. C. L.: Anne Druart, Murielle Sack et Michel Ledent.
Je tiens à remercier les anciens professeurs qui ont eu l'audace de parier sur moi et qui m'ont aidée; un merci tout particulier à Christianne Paternotte et à Monique Roelens. Merci à Anne, Alain et Geneviève pour m'avoir accompagnée durant tant d'années; leur amitié fut et est toujours un soutien précieux.
Merci à Sophie pour son soutien, sa joie de vivre et son amitié durant cette année parfois difficile. Enfin, je tiens à remercier ma famille et, tout particulièrement, ma soeur et mes parents pour leur aide, leur confiance et leur affection.
Je dédie ce mémoire à maman et papa:
«Depuis le début, vous m'avez aimée et poussée à me surpasser et, si cela fut souvent difficile, parfois même douloureux, cela m'a permis d'aller, malgré les nombreux obstacles, jusqu'au bout de mes études. Si ce n'est merci, il n'y a pas de mot pour vous exprimer ma gratitude, mon estime et mon affection.»
Introduction générale:
En guise de préambule à ce mémoire de D. E. A. en didactique, permettez-moi de me présenter en quelques lignes. Je suis une étudiante mal-voyante. En 2001, j'ai fait le choix d'entreprendre une licence en histoire à l'Université catholique de Louvain-La-Neuve. Après mes quatre années d'études, j'ai décidé de clore mon cursus universitaire par un diplôme d'études approfondies en didactique de l'histoire et de l'histoire de l'art. Mon objectif premier est d'acquérir une formation de base en didactique afin de pouvoir, pourquoi pas, travailler dans le milieu culturel et artistique et de pouvoir transmettre ma passion pour ces disciplines aux déficients visuels comme aux voyants.
1. L'objet de recherche de ce mémoire:
Ce mémoire de D. E. A. en didactique se construit sur trois axes. Tout d'abord, je vais m'attacher à présenter le public visé dans cette étude: les déficients visuels. En effet, dire de quelqu'un qui voit mal ou qui ne voit pas qu'il est mal-voyant ou aveugle se révèle généralement réducteur et, parfois même, inexact. C'est pourquoi, après avoir présenté le concept de "déficience visuelle", je compte catégoriser l’handicap de la vue en trois groupes distincts dont je citerai les principales caractéristiques. J'aborderai, enfin, une série de considérations concrètes au sujet du public déficient visuel et j'insisterai sur le fait que celui-ci est multiforme. Comme l'a si justement dit G. Vanbeveren, guide des Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire pendant notre entretien: "les déficients visuels forment un microcosme de la Belgique". Connaître les caractéristiques de ce public, les différences et les similarités avec les autres visiteurs du musée, s'avère indispensable pour concevoir ou adapter correctement une visite à destination des déficients visuels.
Une fois le public ciblé, je vais, dans le second chapitre de ce mémoire, m'intéresser à ce que les principaux musées belges francophones proposent aux visiteurs déficients visuels. Quelle philosophie sous-tend les activités proposées dans les institutions muséales ? Comment et par qui le travail d'adaptation est-il effectué ? Quels sont les outils didactiques employés par les guides de musée ? Comment ces activités sont-elles reçues par les déficients visuels et par les guides en charge de ces visites ? Pour répondre à ces quelques interrogations, je me suis rendue dans quatre musées belges francophones d'art: les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire, le Musée de Louvain-La-Neuve, le Musée royal de Mariemont et les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles. Je me suis, en outre, basée sur l'expérience d'adaptation de visites dont je bénéficie grâce à ma participation aux activités du musée d'art contemporain du Grand-Hornu.
Enfin, dans le troisième chapitre de ce mémoire de D. E. A. en didactique de l'histoire et de l'histoire de l'art, je vais proposer une série de suggestions concrètes, de méthodes d'approche pour l'adaptation et la guidance ainsi que des pistes de recherche afin d'encore améliorer la qualité des activités organisées pour le public déficient visuel dans les institutions muséales.
2. Mon approche méthodologique:
Une fois la thématique générale de mon mémoire établie avec ma promotrice de D. E. A., j'ai commencé par consulter des revues de psychopédagogie et de didactique [1] afin de trouver des articles sur les déficients visuels et l'art. Le résultat de mes investigations s'est révélé maigre. J'ai également consulté des revues d'art et de muséologie et je n'ai pas obtenu de meilleurs résultats. Il semble donc que mon objet de recherche n'ait encore inspiré que peu de papiers aux chercheurs.
Je me suis ensuite rendue dans quatre musées belges d'art. En effet, ayant une formation d'historienne et m'intéressant à l'art, j'ai naturellement privilégié ces institutions au détriment des musées scientifiques. J'ai choisi quatre musées francophones réputés organisant des activités à destination du public déficient visuel. J'y ai mené des entretiens semi-directifs avec les membres du service pédagogique en charge de ces visites. Ce mémoire se fait également l'échos de mon expérience personnelle au Musée d'art contemporain du Grand-Hornu.
J'ai, enfin, élaboré différentes suggestions et des pistes de recherche afin d'améliorer la qualité des visites adaptées à ce nouveau public. Pour ce faire, j'ai utilisé mon expérience personnelle de mal-voyante, mon petit en didactique, mes échanges avec d'autres déficients visuels, mes contacts avec des membres du personnel d'associations pour déficients visuels et, bien entendu, mes entretiens avec les guides de musée en charge de ces visites.
Dans ce mémoire, j'ai volontairement privilégié les visites guidées; en effet, il semble que ce soit la méthode la plus répandue et appréciée en Belgique francophone. En outre, je m'insurge contre l'usage de l'audio-guide, et ce pour plusieurs motifs. Tout d'abord, un audio-guide ne s'adapte pas au niveau socioculturel du visiteur. Ensuite, son débit de lecture ne s'adapte pas au rythme de la personne. L'audio-guide ne répond pas non plus aux questions. Il prive le visiteur d'un contact humain, d'un échange enrichissant. Enfin, pour un visiteur déficient visuel, l'audio-guide ne l'oriente pas dans le musée et, si besoin est, il ne l'aide pas à approfondir sa découverte de l'oeuvre d'art.
3. Mon cheminement personnel:
Avant d'entrer dans le coeur de ce mémoire de D.E.A., je tiens à relater mon cheminement personnel. En effet, j'estime nécessaire d'expliquer pourquoi j'en suis venue à m'intéresser à cette thématique, à savoir, la guidance muséale à destination du public déficient visuel.
Depuis que je suis âgée d'une dizaine d'années, je suis affiliée à une association pour déficients visuels (l’Office National des Aveugles, l’ONA). La dite association s'occupe notamment de l'encadrement pédagogique d'enfants mals et non-voyants qui sont intégrés dans l'enseignement ordinaire. Cette association organise également des activités sportives et culturelles. C'est dans le cadre de l'une de ces journées que j'ai découvert le musée pour la première fois.
Je me souviens fort bien de ma première visite aux musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire. J'avais, en effet, beaucoup apprécié l'activité qui y était organisée car celle-ci m'était accessible. Nous pouvions, en effet, toucher les oeuvres d'art exposées; nous disposions d'outils didactiques adaptés et la guide de musée émaillait son discours de remises en contexte et de riches anecdotes illustratives.
Je me suis ensuite régulièrement rendue dans les musées, et ce, que ce soit avec des associations, dans le cadre d'activités scolaires ou bien encore à l'occasion de sorties en famille. Ainsi, au fil du temps, mon intérêt pour l'art est allé croissant. J'aimais également m'entretenir avec les guides de musée pour savoir comment ils procédaient afin que les musées soient ouverts aux déficients visuels. En effet, la mal-voyante que je suis a toujours refusé que la maladie guide sa vie et oriente ses choix; c'est pourquoi, l'accessibilité à l'art pour tous me tient tant à coeur.
Au terme de mes années de secondaires, j'ai fait le choix d'entreprendre une licence en histoire. En effet, l'histoire de l'art aurait été bien trop complexe pour moi vu que cette formation est, selon toute logique, principalement axée sur le visuel. De plus, la littéraire que je suis s'intéresse tout autant à l'histoire des hommes, des sociétés et des mentalités.
Une fois ma licence menée à bien, j'ai fait le choix de clore mon cursus universitaire par un diplôme d'études approfondies en didactique de l'histoire et de l'histoire de l'art. Dans le cadre de cette formation, les étudiants doivent rédiger un petit mémoire sur une thématique librement choisie à condition que celle-ci s'inscrive dans un cadre didactique. J'ai donc décidé, avec l'appui de ma promotrice, de m'intéresser à la guidance muséale pour le public déficient visuel dans les musées belges francophones. Dans ce mémoire, j’ai également pour ambition de soumettre quelques suggestions et pistes de recherche afin d'encore améliorer la qualité des visites à destination de ce nouveau public. Tel est le contexte dans le quel s'inscrit ce mémoire.
Chapitre I: Les déficients visuels, un public multiforme
Introduction:
Ce premier chapitre de mon mémoire de D. E. A. propose une présentation du public visé par cette recherche: les déficients visuels constituent, pour la majorité des musées approchés dans la seconde partie de cette étude, ce que l'on appelle, de nos jours, un nouveau public. Connaître les caractéristiques et les attentes propres au dit public permet de mettre sur pied des visites correctement adaptées, ce qui fera croître sensiblement les chances de satisfaire les demandes des déficients visuels et, à terme, de fidéliser ce nouveau public [2].
Dans un premier temps, je vais m'arrêter sur le concept de "déficience visuelle"; je vais expliquer pourquoi cette terminologie, qui peut paraître quelque peu pompeuse ou abstraite, est actuellement privilégiée au détriment de toute autre et couramment employée par les professionnels de ce secteur d'activité et par certains déficients visuels [3].
Dans une seconde étape, je proposerai une catégorisation tripartite du handicap visuel et je présenterai également les principales caractéristiques qui permettent de distinguer ces trois groupes les uns des autres. Il est, en effet, indispensable de savoir à quel groupe l'on s'adresse si l'on souhaite optimiser la qualité d'adaptation et de mise en oeuvre de la visite.
Enfin, je vais aborder, dans un troisième temps, quelques considérations dont il est important de tenir compte lors des phases de préparation et de mise en oeuvre des activités à destination de ce nouveau public. Je retiendrai encore quelques constats concrets concernant les déficients visuels qui permettent, me semble-t-il, de faciliter les contacts pratiques et humains entre les guides de musée et leurs nouveaux visiteurs.
Avant de réellement débuter le développement de ce premier chapitre, je tiens à clairement souligner que les informations contenues dans les pages qui vont suivre résultent de ma propre expérience de déficiente visuelle mais également et surtout de mes contacts avec des professionnels de ce secteur. Malheureusement, je n'ai pu trouver de sources scientifiques pour étayer ces informations. J'ai pourtant consulter des revues de psychopédagogie ainsi que des revues relatives au handicap; mais, aucune ne traite des thèmes que je vais maintenant aborder.
1. Le concept de déficience visuelle:
Pour débuter ce premier chapitre de mon mémoire, je vais m'arrêter sur le concept de "déficience visuelle" dont j'use depuis le début de cette étude. Certaines personnes pourraient estimer que cette terminologie s'avère quelque peu pompeuse ou abstraite. Pourtant, cette formulation offre l'avantage réellement non négligeable d'être générique, autrement dit, d'englober la réalité du handicap visuel dans son ensemble et sa complexité, et ce, sans brimer ou exclure l'un des trois groupes que je vais évoquer dans la deuxième section de ce chapitre.
Cette terminologie est généralement ignorée du grand public. Par contre, elle est employée, de façon très courante, par les professionnels de ce secteur, que ce soit les psychologues, les assistants sociaux, les ergothérapeutes ou bien encore les ophtalmologistes. Pour les déficients visuels eux-mêmes, le bilan se révèle plus nuancé. En effet, cette formulation est principalement employée par les représentants des jeunes générations. Ceux-ci l'utilisent quand ils évoquent l'ensemble des mal et non-voyants, et ce, pour son aspect générique, pratique et moderne. Par contre, quand ils abordent leur situation personnelle, ils recourent alors assez logiquement à des termes plus spécifiques comme la cécité ou la mal-voyance [4].
En conclusion, quand j'aborderai l'ensemble des mal et non-voyants, j'utiliserai le concept de déficience visuelle. Par contre, si mon propos vise l'un des trois groupes que je vais décrire dans la deuxième partie de ce chapitre, je préciserai la dénomination propre au dit groupe.
2. Une catégorisation facilitant le travail des guides:
Il existe donc trois groupes distincts au sein du public déficient visuel. La catégorisation que je vous soumets ici ne présente rien de règlementaire ou de figé; cependant, elle offre la possibilité, dans le cadre qui nous occupe, de se faire une juste idée de la situation de chaque personne qui souffre d'une pathologie visuelle. Quand le guide de musée dispose de ces informations, son travail s'en voit grandement facilité durant les visites [5].
a) Les malvoyants stables:
Le premier groupe que je distingue comprend les malvoyants stables: les personnes incluses dans le dit groupe souffrent de pathologies visuelles stables. Le degré de la déficience visuelle peut s'avérer plus ou moins important. Généralement, ces personnes souffrent de problèmes de vue depuis la naissance ou la petite enfance. Le plus souvent, les membres de ce premier groupe peuvent expliquer relativement aisément ce qu'ils voient et comment ils voient.
Si les malvoyants stables ne peuvent distinguer les détails d'une oeuvre d'art exposée, ils peuvent, par contre, se la représenter mentalement relativement facilement si cette dernière leur est clairement décrite par le guide qui les accompagne dans le musée. En effet, les membres de ce premier groupe connaissent les couleurs, et parfois, leurs nuances; ils identifient également la forme des objets les plus usités; enfin, une partie non négligeable de ce groupe peut se figurer une image en se représentant les différents plans de celle-ci [6].
b) Les malvoyants évolutifs:
Le second groupe que je forme est, sans nul doute, celui qui se révèle le plus difficile à définir clairement. Il s'agit du groupe des malvoyants évolutifs. Les malvoyants évolutifs souffrent de pathologies visuelles dégénératives; autrement dit, le degré de la déficience visuelle croît plus ou moins rapidement au fil du temps, et ce, de façon régulière ou bien encore par pallier successif plus ou moins long et important. Sont également comprises dans ce deuxième groupe les personnes qui perdent subitement la vue durant l'adolescence ou à l'âge adulte ainsi que les représentants du troisième âge dont la vision s'altère. Malheureusement, certains membres de ce second groupe finiront, à plus ou moins long terme, par devenir totalement aveugles [7].
Cependant, même si ces personnes finissent à terme par perdre l'usage de la vue, elles peuvent également appréhender les oeuvres d'art relativement aisément car celles-ci connaissent ou ont connu les couleurs, la forme des objets courants ainsi que les différents plans. Les membres de ce deuxième groupe sont donc, tout comme les malvoyants stables, capables de se représenter mentalement plus ou moins facilement les oeuvres d'art qui leur sont décrites par le guide du musée [8].
c) Les aveugles congénitaux et précoces:
Le troisième groupe que je distingue est celui qui comprend les aveugles congénitaux ainsi que ceux qui perdent l'usage de la vision durant la petite enfance. Il s'avère franchement plus difficile, pour les représentants de ce dernier groupe, d'appréhender les oeuvres d'art. En effet, pour ces personnes, la différence entre les couleurs ne constitue qu'une pure abstraction. En outre, les aveugles ne connaissent que la forme des objets qu'ils peuvent découvrir par le truchement du toucher à moins qu'on leur représente les objets en relief ou en miniature si ceux-ci sont trop grands. Enfin, ils ne peuvent comprendre et imaginer aisément les différents plans d'une image. C'est pourquoi, le travail de représentation mentale sur base d'une description se révèle plus complexe pour les membres de ce dernier groupe. Par contre, il est important de souligner que ce sont ces personnes qui bénéficient généralement du sens du toucher le plus développé et affiné [9].
En conclusion, le contenu du discours du guide de musée est fortement influencé par le niveau et les caractéristiques de la vision du visiteur déficient visuel. S'il s'agit d'une visite individuelle, le guide peut se rendre relativement vite compte du niveau de vision de son interlocuteur; il peut aussi lui poser clairement et directement la question. Si la personne fait preuve d'un minimum de tact, il est très rare qu'un déficient visuel réagisse négativement à cette question.
Par contre, s'il s'agit d'une visite de groupe, le problème se complexifie notablement. La meilleure méthode est de constituer des petits groupes de quatre à cinq déficients visuels au maximum qui possèdent un niveau de vision relativement similaire ou qui font partie du même groupe visuel. La personne responsable du groupe détient, le plus souvent, ces informations et peut préalablement constituer ces petits groupes en tenant compte de ce critère. Certains guides de musée n'approuvent pas cette méthode de travail car ils jugent qu'il est préférable de favoriser un critère relationnel lors de la constitution des petits groupes. Or, il me semble que, lors d'une visite culturelle, l'aspect relationnel, bien qu'indéniablement important, ne constitue pas la priorité. Cette question mérite donc d'être étudiée et débattue [10].
3. Quelques considérations sur le public déficient visuel:
La troisième et dernière partie de ce chapitre présente une série de considérations concernant le public déficient visuel. Je me base, pour les établir, à la fois sur mon expérience personnelle de mal-voyante évolutive, sur mes contacts avec d'autres déficients visuels issus des trois groupes décrits ci-dessus ainsi que sur les échanges que j'ai eus avec des professionnels de ce secteur. Malgré mes recherches, je n'ai pu trouver de documentation sur ces thèmes et je le déplore car ces sujets mériteraient, à mon humble avis, de faire l'objet de publications.
a) La lecture et l'écriture:
Dans un souci à la fois d'exactitude scientifique et de didactique, les musées réalisent des catalogues présentant les différentes oeuvres exposées; ils établissent aussi des fiches signalétiques espacés à côté de l'oeuvre d'art afin de fournir aux visiteurs les informations concernant la dite oeuvre. Mais, comment adapter au mieux ces outils didactiques pour le public déficient visuel ? Le commun des mortels croit, le plus souvent que tous les mals et non-voyants maîtrisent l'alphabet mis au point par Louis Braille au dix-neuvième siècle. Il n'en est rien. Il s'agit là d'une idée aussi préconçue qu'infondée.
Bien que je ne dispose pas de données statistiques précises, je puis néanmoins soutenir que la majorité des malvoyants ne connaît pas l'écriture braille. En effet, ces personnes et, en particulier, les malvoyants stables recourent à l'écriture en grands caractères. Le développement récent de l'informatique avec les logiciels d'agrandissement favorise notablement l'emploi de cette méthode de travail [11].
De plus, les aveugles et les malvoyants graves ne maîtrisent pas non plus toujours l'écriture braille de façon performante et confortable. Les raisons, qui expliquent le dit phénomène, sont multiples. Soit, ils éprouvent des difficultés à lire cette écriture facilement et rapidement car ils l'ont apprise tard; soit, ils jugent le braille trop astreignant et rébarbatif et l'évitent autant que faire se peut; soit, ils ne l'ont tout simplement jamais appris, et ce, pour des motifs pratiques et-ou psychologiques. Par exemple, peu de personnes âgées perdant l'usage de la vue s'initient à l'alphabet braille.
Enfin, le moins que l'on puisse dire au sujet de l'écriture de Louis Braille, c'est que cette dernière se révèle fort volumineuse. En effet, les points en relief ressortent sur du papier cartonné, et donc, plus épais qu'une feuille normale. De plus, le caractère braille est plus grand qu'un caractère ordinaire. Pour donner une estimation, je dirais qu'une page en formas A4 correspond à quatre feuilles en braille.
Le support auditif s'avère, quant à lui, très en vogue chez le public déficient visuel, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, transporter et manipuler un magnétophone ou un lecteur avec ses cassettes ou ses CD se révèle bien plus aisé et pratique que des documents en braille. En prime, le confort est bien plus important; écouter implique une fatigue bien moins marquée que la lecture sur support braille. Enfin, ce mode de lecture est accessible aux trois groupes de déficients visuels décrits ci-dessus. Cependant, il est à noter que quelques mals et non-voyants refusent cette méthode de lecture car ceux-ci éprouvent des difficultés de concentration sur base d'un support auditif; généralement, ces personnes ont davantage développé leur sens du toucher.
Mais, alors, sur base de ces quelques constatations, comment adapter au mieux les outils didactiques à ce nouveau public ? Commençons par les fiches signalétiques. Il faut qu'une oeuvre d'art dispose de sa fiche signalétique en grands caractères ainsi que d'un autre en braille. La fiche signalétique braille doit contenir un nombre minimal d'informations afin d'occuper un espace le plus réduit possible autant pour des raisons pratiques que pour ne pas décourager le lecteur qui le consulte [12]. Avec le développement des technologies, une fiche signalétique audio pourrait également être envisagé. Notons que certains déficients visuels apprécient beaucoup ces fiches signalétiques tandis que d'autres préféreront se cantonner à écouter le guide et à lui poser des questions. S'il s'agit d'une visite en groupe, il est bon qu'un déficent visuel lise tour à tour la fiche signalétique pour gagner du temps et pour éviter l'embouteillage lors de la lecture [13].
Quant au catalogue d'exposition du musée, l'idéal est qu'il soit disponible sur les trois supports présentés. D'après les guides de musée que j'ai rencontré, c'est le catalogue audio qui remporte le plus franc succès car ce dernier est accessible à tous les déficients visuels et qu'il présente les avantages pratiques et de confort évoqués plus haut. En prime, il semble qu'il y ait également une demande chez le public voyant probablement pour les mêmes motifs du moins en partie. Voilà, me semble-t-il, comment faire d'une pierre deux coups [14].
b) Le lexique:
Quand un guide de musée prépare et entreprend une visite, il adapte son style de langage, son lexique au niveau socioculturel et à l'âge du public auquel il s'adresse. Mais, comment doit-il réagir face à un public déficient visuel ? Dans un souci de bien faire, la majorité des personnes voyantes ont tendance à supprimer le lexique dit visuel de leurs échanges avec des déficients visuels. Si agir ainsi part d'une bonne intention, ce comportement est inutile, et même, à proscrire. En effet, la très grande majorité des mals et non-voyants recourent tout naturellement au lexique visuel dans les conversations de la vie de tous les jours:
«Je regarde la télévision.
Je vois ce que tu veux dire.
Je vais voir une exposition.
C'est très beau.»
Le guide de musée ne doit donc nullement craindre d'utiliser un lexique dit visuel lors des visites adaptées aux déficients visuels. Néanmoins, il y a un léger bémol à souligner. Quand une personne voyante recourt au lexique visuel, il est impératif que celui-ci soit précis. Les mots "ici, là-bas" sont bien entendu trop vagues. Il faut donc s'exprimer normalement mais avec précision.
c) L'accueil et la guidance:
Pour qu'un musée soit accessible et que le visiteur déficient visuel se sente en sécurité, les guides de musée doivent savoir comment procéder pour recevoir et guider ce nouveau public. Le contexte et le cadre sont des facteurs qu'il ne faut pas négliger quand on élabore une activité que l'on veut plaisante et didactique pour le public ciblé. Avec un public déficient visuel, plusieurs cas de figure sont à prévoir.
Si la personne est accompagnée de son chien-guide, elle se révèle généralement autonome. C'est pourquoi, le guide peut se contenter de lui signaler la direction à emprunter lors d'un croisement et n'intervenir qu'en cas d'hésitation ou de problème éventuellement rencontré [15].
Si le déficient visuel est seul dans un lieu inconnu muni de sa canne blanche, il appréciera généralement d'être aidé par le guide. Le terme de "guide de musée" prend alors tout son sens. La position de guidage recommandée est la suivante: le déficient visuel prend le coude ou passe le bras sous celui du voyant. En agissant ainsi, la personne peut recevoir de nombreuses informations sans que son guide n'ait à les lui expliciter. Si un passage devient étroit, le voyant doit reculer son bras derrière son dos pour indiquer à la personne qu'elle doit se ranger derrière. Devant un escalier, le guide doit marquer un temps d'arrêt pour permettre au déficient visuel de sentir la première marche. Si la personne ne s'aide pas de sa canne, ce qui est souvent le cas quand elle est guidée, le voyant doit alors signaler si l'escalier monte ou descend et quand il prend fin [16].
Certains déficients visuels se montrent plus ou moins à cheval que d'autres sur le suivi de cette technique de guidance. Certains l'expliquent systématiquement à leur guide si ce dernier l'ignore. D'autres préfèrent laisser le guide agir à sa guise afin qu'il se sente le plus détendu possible et ne le conseille que si ce dernier fait preuve de peu de talent dans ce domaine. En conclusion, le suivi de cette méthode de guidance varie beaucoup d'un individu à l'autre; pour éviter ou résoudre un problème, le dialogue est, sans nul doute, la meilleure voie à emprunter [17].
d) L'informatique, un miracle pour l'intégration:
Depuis une bonne dizaine d'années maintenant, l'informatique adaptée aux besoins des déficients visuels a véritablement accompli des bons de géant. Aujourd'hui, en Belgique, deux voies technologiques sont envisageables. L'une est le choix d'un petit preneur de notes équipé d'un clavier braille qui peut être relié à une imprimante ou à un ordinateur classique. L'autre voie possible est un ordinateur portable classique muni d'un clavier azerty, d'un logiciel d'adaptation et d'une synthèse vocale. Il existe encore d'autres outils informatiques et technologiques qui peuvent fournir une aide précieuse aux déficients visuels comme, par exemple, un lecteur de courrier ou bien encore un GSM équipé d'une synthèse vocale.
Tous ces progrès informatiques et technologiques récents ont un impact direct sur la vie quotidienne des déficients visuels et favorisent indubitablement leur intégration au sein de "ce monde de voyants". L'exemple le plus manifeste est que, depuis une petite dizaine d'années, les mal et non-voyants ont heureusement tendance à déserter l'enseignement spécial pour s'intégrer dans l'enseignement dit ordinaire.
Mais, comment l'informatique peut-elle contribuer à l'amélioration des visites de musée à destination du public déficient visuel ? L'influence majeure porte sur la promotion et la communication. En effet, les musées éprouvent des difficultés à annoncer et à promouvoir leurs visites. Grâce aux progrès technologiques, certains déficients visuels peuvent directement consulter le site du musée ou recevoir un courrier publicitaire [18]. Le déficient visuel peut également consulter le catalogue de l'exposition ou le contennu des collections en se promenant sur le site du musée. Et, dans l'avenir, d'autres options pourraient être envisagées grâce aux importants progrès informatiques et technologiques [19].
e) Le toucher et la métacognition:
Quand le sens d'un être humain se révèle défaillant ou bien encore absent, le corps a naturellement tendance à compenser en développant, en affinant davantage les autres sens. Il est alors très courant que l'un des sens se développe plus que les autres; il s'agit soit de l'audition ou du toucher. Il est fréquent d'entendre un déficient visuel qui s'écrie:
"Moi, je suis un auditif.
Moi, il faut que je puisse toucher."
Comme je l'ai déjà signalé plus haut, les aveugles congénitaux ont généralement un sens tactile très développé. Par contre, chez les malvoyants, le goût du toucher ne va pas nécessairement de soit. En effet, ces personnes ont, le plus souvent, tendance à exploiter au maximum leur résidu visuel si maigre soit-il; c'est pourquoi, le sens du toucher n'est guère développé.
Les déficients visuels savent généralement quel est leur "meilleur sens." C'est là qu'intervient la métacognition. Celle-ci est la connaissance que l'individu a de ses processus cognitifs et des facteurs favorables et défavorables liés à ces processus; elle est également le contrôle, la régulation de ces processus en vue de la réalisation d'un objectif déterminé. Quand un déficient visuel, souvent un mal-voyant, sait que son sens du toucher est peu développé, il éprouve des craintes à l'idée de toucher une sculpture. Comment réagir alors ? [20]
Si le déficient visuel, dont le toucher est peu affiné, se rend au musée, il est généralement parfaitement conscient que l'on va le prier de toucher des oeuvres. Alors, dans la majorité des cas, conscient de son peu de goût et d'habitude du toucher, celui-ci va tenter de réguler ce phénomène en essayant de toucher et de comprendre la sculpture qui lui est présentée. Le guide de musée peut faciliter ce travail de métacognition en proposant au déficient visuel de guider ses mains et en accompagnant la découverte tactile d'une description [21].
f) Les déficients visuels, un public qui ne cesse de grandir:
Avec le vieillissement actuel de la population dans beaucoup de pays occidentaux dont la Belgique, le nombre de déficients visuels s’accroît. Les problèmes de vision sont un phénomène physique issu de la vieillesse autant que des maladies congénitales et des blessures cérébrales. Les progrès médicaux, qui permettent de traiter certaines pathologies de la vision, ne parviennent pas à contrebalancer les effets du vieillissement de la population.
g) Les déficients visuels, un microcosme de la Belgique:
Hormis les caractéristiques imputables au handicap, le public des déficients visuels se positionne comme le grand public des visiteurs de musée. A titre d'exemple, les guides de musée attestent que la proportion de déficients visuels, qui se rend au musée, est sensiblement identique à celle du public voyant. Les déficients visuels font partie de toutes les couches d'âge, de toutes les ethnies et de tous les niveaux socioculturels; le degré d'intérêt et de motivation lors d'une visite au musée fluctue tout comme pour le public voyant. Par contre, les guides soulignent tous que le contact avec ce public se révèle souvent plus ouvert, plus chaleureux [22].
Conclusion:
Le public déficient visuel présente quelques caractéristiques qu'il est bon que le guide de musée connaisse lors de la préparation et de la mise en oeuvre des visites. Généralement, les guides apprennent grâce à leurs contacts avec les associations évoquées plus haut, en observant d'autres guides à l'oeuvre avec ce public ou au fil de leurs propres expériences. Le schémas de formation et l'évolution de celle-ci varie pour chaque guide rencontré. Mais, ne pourrait-on envisager la mise sur pied d'une formation commune ?
Je propose ici une suggestion afin d'améliorer et d'uniformiser la formation des guides qui préparent et mettent en oeuvre des visites à destination du public déficient visuel. Cette formation devrait comporter une partie théorique présentant les caractéristiques propres à ce nouveau public et insister sur ses similarités avec le public voyant. Elle devrait ensuite proposer des contacts avec des professionnels de ce secteur et surtout, avec des déficients visuels. Les premières visites du guide débutant pourraient se faire en duo avec un guide expérimenté qu'il soit voyant ou déficient visuel. Cette dernière option est également à expérimenter et demande un travail de recherche que je proposerai dans le troisième chapitre de cette étude.
Cette formation pourrait être organisée dans un cadre universitaire avec un professionnel du secteur des déficients visuels et un guide expérimenté; cela pourrait être un cours à option ou un cours intégré dans la formation continue. Cette formation pourrait aussi être proposée par une association à condition que les guides et les didacticiens soient intégrés au projet. Voilà quelques pistes pour concevoir une formation qui réponde plus aux caractéristiques théoriques de ce nouveau public et aux réalités du terrain.
Chapitre II: Un petit tour des musées
Introduction:
Le second chapitre de mon mémoire de D. E. A. en didactique propose un bilan de ce qui est organisé à destination du public déficient visuel dans les principaux musées belges francophones. Comme je bénéficie d'une formation en philosophie et lettres et que j'ai particulièrement approché la didactique de l'histoire et de l'histoire de l'art, j'ai fait le choix d'aborder les musées d'art exclusivement. J'ai également limité mon champs d'investigation aux musées belges francophones, et ce, pour des motifs à la fois linguistiques et pratiques. L'échantillon des musées visités comporte cinq des musées les plus fréquentés sur la zone géographique prédéfinie. Tous bénéficient, en outre, d'un service pédagogique réputé qui organise des activités de qualité à destination du public déficient visuel [23].
Je me suis rendue dans quatre musées pour rencontrer et discuter un ou des membres du service pédagogique en charge des visites à destination du public déficient visuel: les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire, le Musée de Louvain-La-Neuve, le Musée royal de Mariemont et le Musée des Beaux-Arts de Bruxelles. J'évoquerai enfin mon expérience au Musée d'art contemporain du Grand-Hornu où je participe, autant que faire se peut, à la préparation des visites adaptées.
J'ai entrepris des entretiens semi-directifs. Autrement dit, J'ai préalablement établi un questionnaire; pour ce faire, je me suis basée sur le manuel de M. Allard et de ses collègues [24]. Mais, en pratique, quand je posais une question, le guide de musée expliquait et sortait assez logiquement du cadre strict de la question. J'ai préféré favoriser cet échange spontané en me libérant du questionnaire pour réagir en fonction de l'évolution du dialogue. Ensuite, j'ai vérifié que le guide avait abordé les différents aspects prévus par ce questionnaire.
Je ne propose pas une restitution systématique de chacun des entretiens réalisés mais plutôt une présentation analytique et critique de ce qui est organisé pour le public déficient visuel dans le musée. J'aborde également les projets d'avenir du musée: leur créativité, leur viabilité. Je vais enfin aborder les rêves des membres du service pédagogique: que feraient-ils s'ils avaient un budget illimité et si leurs supérieurs leur laissaient carte blanche ? A présent, commençons ce tour des musées par les musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire.
1. Les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire:
Je me suis rendue aux Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire le mercredi 17 mai 2006 vers 14h. J'y ai rencontré la responsable des visites destinées au public déficient visuel francophone, Giselle Vanbeveren [25].
a) L'accueil:
Les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire sont aisément accessibles par les transports en commun (train et bus). Les chiens-guides sont admis dans l'enceinte du musée. Un ascenseur facilite l'accès aux différents étages et un lieu réservé aux déficients visuels a été conçu en fonction des caractéristiques de ce public. Ce lieu adapté est un local qui peut confortablement recevoir une trentaine de personnes. Il comporte de petites tables entourées de quatre ou cinq sièges en forme de cube qui peuvent être facilement bougés pour être placés face à des oeuvres de grande taille. Ce lieu peut également accueillir d'autres publics comme, par exemple, des handicapés mentaux ou des groupes d'enfants. La seule différence est qu'ils n'ont pas le droit de toucher les oeuvres exposées.
Les déficients visuels peuvent également visiter le musée proprement dit avec leur guide. Les oeuvres non-calcaires, qui ne se trouvent pas en vitrine, peuvent être touchées. De plus, chaque conservateur de département a fourni aux guides la liste détaillée des objets qui peuvent être touchés par les visiteurs déficients visuels.
b) Le mode de fonctionnement au musée pour aveugles:
Le musée pour aveugles des Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire a ouvert ces portes en 1970; c'est la première structure adaptée en Belgique. Depuis lors, les membres du service pédagogique en charge de ce public organisent régulièrement, actuellement tous les deux ans, des expositions thématiques à destination de ce public principalement. La qualité du travail des membres de ce service a été reconnue et couronnée par l'attribution d'un prix européen à la suite de l'exposition de 1981-1982 consacrée à la cathédrale [26].
Le service éducatif du Cinquantenaire souhaite fidéliser au maximum son public. C'est pourquoi, il monte régulièrement de nouvelles expositions thématiques. En effet, le public déficient visuel se révèle, tout comme les autres publics belges, amateur de nouveauté:
"Si c'est permanent, on peut toujours y aller demain et quand on l'a une fois vu, c'est comme si on avait tout vu. Si l'on veut fidéliser un public, il faut essayer d'apporter du neuf chaque fois." [27]
G. Vanbeveren estime que le nombre idéal de visiteurs déficients visuels par guide est de trois, sans compter les voyants qui accompagnent. Une visite dure plus ou moins 1h30 à 2h. Une trentaine d'objets figurent au sein de l'exposition; mais, en pratique, le visiteur déficient visuel a généralement le temps de découvrir confortablement une petite vingtaine d'objets d'art sélectionnés par le guide. Une exposition est conçue afin de pouvoir être commencée de chaque côté ou par le milieu afin d'éviter que les groupes ne soient trop proches les uns des autres [28].
Les objets d'art exposés lors d'une exposition [29] sont, dans une grande majorité des cas, issus des collections des Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire. En cas de besoin, le musée peut faire appel à d'autres institutions mais, pour des raisons pratiques et suite au coût important engendré par les assurances, le Musée du Cinquantenaire évite, autant que faire se peut, de procéder de cette façon.
Les visites adaptées s'adressent à des déficients visuels de tous les âges et de toutes les origines socioculturelles. Les polyhandicapés sont également reçus au Cinquantenaire. C'est le guide de musée qui s'adapte au niveau, aux caractéristiques et aux goûts du public. Les visiteurs du musée pour aveugles sont toujours accompagnés d'un membre du service éducatif; la politique adoptée est semblable pour les visites dans le musée même.
c) Les supports didactiques utilisés:
La taille des fiches signalétiques en braille est réduite au minimum; la fiche signalétique braille voisine toujours avec un autre en grands caractères. Généralement, après avoir touché l'oeuvre d'art, le visiteur consulte la fiche signalétique tandis que le guide du musée fait découvrir l'oeuvre à un autre membre du groupe. Les fiches signalétiques ont donc un rôle complémentaire, secondaire à celui du guide. Des maquettes, des plans et des cartes en relief peuvent également être conçus pour faciliter la compréhension du thème développé dans l'exposition.
Les catalogues d'expositions existaient sur cassettes audio dans la version intégrale; aujourd'hui, c'est le support CD qui est privilégié. Il existe aussi une version en grands caractères. Quant au catalogue en braille, il va être écarté au profit d'une version en ligne lors de la prochaine exposition organisée au musée pour aveugles. Ces catalogues insistent bien sur la description des objets d'art afin que le lecteur, qui ne dispose naturellement pas d'illustration, puisse se représenter mentalement le dit objet; par contre, les notices bibliographiques sont écartées car ces dernières n'intéressent nullement la grande majorité des personnes qui consultent ces catalogues.
d) La promotion des nouvelles expositions:
Les personnes en charge du musée pour aveugles dispose d'un répertoire d'adresses que G. Vanbeveren nomme un adressographe; celui-ci répertorie les adresses des visiteurs individuels ainsi que des associations et des institutions spécialisées. Le service pédagogique informe également les journalistes qui ont déjà signés des papiers sur ce musée. Le site internet des Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire répercute également l'événement tout comme le journal du musée [30].
e) Le problème de financement:
Le financement de ces expositions se révèle généralement problématique: "Le financement, c'est, pour résumer, la grande débrouille." [31]
Les membres du service éducatif font appel à des organismes comme Cap-48; ils se tournent aussi vers les différents ministères fédéraux. Toutes ces demandes exigent de remplir des dossiers justificatifs, et donc, de consacrer un temps énorme aux papiers, temps que les guides ne peuvent accorder aux visiteurs. C'est pourquoi, ce dernier doit parfois attendre plus de deux mois pour pouvoir faire une visite.
En conclusion, les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire ont une longue expérience des visites adaptées au public déficient visuel; ils se sont taillés une réputation à l'échelle européenne. Il est possible de visiter le musée même ou le musée pour aveugles; cette double offre permet de satisfaire un maximum de personnes. Régulièrement, le service éducatif monte une nouvelle exposition thématique; cela permet de varier les contenus et de fidéliser le public soucieux de nouveauté et de créativité. Mais, le problème de financement s'avère malheureusement être une réalité récurente pour ce musée.
Les membres du service pédagogique n'ont pas mis sur pied de programme d'évaluation. G. Vanbeveren s'en explique en soulignant que la majorité des visiteurs sont des personnes âgées qui sont fatiguées par la visite; elle estime donc que leur imposer une évaluation serait trop rébarbatif. Elle privilégie plutôt une évaluation par l'observation des réactions des visiteurs. Elle interroge aussi les visiteurs en leur demandant quel objet ils ont le plus apprécié. Des réponses évaluatives peuvent émerger. Mais, cette méthode n'est ni formalisée ni inscrite dans le long terme.
Le rêve de G. Vanbeveren serait de pouvoir monter des expositions sans devoir tenir compte de l'aspect pécunier, et surtout, sans devoir consacrer autant de temps aux dossiers justificatifs. Elle aimerait également disposer de davantage de personnel pour que le temps d'attente, lors de la réservation d'une visite guidée adaptée, soit moins long.
2. Le Musée de Louvain-La-Neuve:
Je me suis rendue au Musée de Louvain-La-Neuve le lundi 27 mars 2006 vers 15h. J'y ai rencontré Sylvie De Dryver qui supervise les visites adaptées au public déficient visuel.
a) Le public visé:
Tout comme les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire, le Musée de Louvain-La-Neuve s'adresse à tous les déficients visuels, et ce, quelque soit leur âge, leur origine socioculturelle ou leur degré de vision. Les guides de musée cherchent à adapter au maximum leur discours au niveau de vision des visiteurs. Pour connaître celui-ci, ils observent les réactions des personnes et tiennent compte de leurs remarques. Ils s'attachent à ne jamais poser de questions directes qui puissent importuner ces personnes. Cette politique est sage mais relativement lente; en outre, comme évoqué plus haut, la grande majorité des déficients visuels acceptent de donner des informations sur leur niveau de vision.
Le Musée de Louvain-La-Neuve ne peut réellement fidéliser le public déficient visuel car ils disposent d'un parcours permanent depuis 1998. C'est pourquoi, il est peu courant que les visiteurs reviennent une seconde fois. Le parcours proposé, qui compte huit sculptures retraçant l'évolution de l'histoire de l'art au fil du temps et des lieux, peut également être visité par des voyants qui acceptent de se bander les yeux. Ils peuvent alors toucher les oeuvres d'art et vivre une expérience unique. Mais, celle-ci est assez éprouvante pour les voyants car ils n'ont pas l'habitude de toucher et qu'ils se trouvent dans un environnement inconnu; ils doivent donc apprendre à faire confiance pour se déplacer et pour toucher.
b) L'organisation pratique des visites:
Un guide du musée prend en charge un groupe de cinq déficients visuels au maximum, et ce, sans compter les voyants qui accompagnent. Le guide tente d'intégrer l'accompagnant à la visite: "Nous, on conçoit la visite comme un temps d'échange."
Si le groupe de visiteurs s'avère trop important, ce dernier est alors subdivisé en petits groupes. Des membres de l’association des Amis du musée secondent alors le guide, membre du service pédagogique [32].
Lors d'une visite avec des visiteurs voyants, le guide de musée tente de leur apprendre à regarder les oeuvres d'art; lors d'une visite avec des déficients visuels, le guide exploite le sens tactile. L'objectif clairement énoncé par S. De Dryver est de pousser le visiteur dans une démarche active de découverte. L'aspect contextuel et culturel passe après ce contact, cette ouverture, à l'oeuvre d'art [33].
c) Le musée et la ville:
Suite à la demande d'une association, à savoir, l'Oeuvre Nationale des Aveugles (ONA), le service éducatif a prolongé la découverte du parcours tactile du musée par une visite de la ville de Louvain-La-Neuve. Durant la dite visite, les déficients visuels ont pu toucher les nombreuses oeuvres d'art qui sont disséminées sur le site universitaire.
d) Le matériel pédagogique:
Pour expliquer, de façon plus aisée et concrète, le processus de création d'une sculpture en bois, le service pédagogique du Musée de Louvain-La-Neuve dispose de pièces en bois qui montrent les différentes étapes de travail opéré par le sculpteur sur la matière première.
En conclusion, le service pédagogique du Musée de Louvain-La-Neuve a mis sur pied un parcours tactile relativement classique mettant en exergue une vision évolutive de l'histoire de l'art dans le temps et l'espace. Le service pédagogique s'est fixé une série d'objectifs précis: mettre l'objet en exergue et pousser le visiteur à entreprendre une démarche concrète de découverte face à l'oeuvre d'art. Cet objectif est identique à celui qui est fixé pour le public voyant. La seule différence est le choix du mode de découverte: pour les voyants, il s'agit du regard; pour les déficients visuels, il s'agit du toucher. Les guides du musée se sont aussi fixés des objectifs socioaffectifs en s'intéressant également aux accompagnants afin d'enrichir le dialogue et, par voie de conséquence, de rendre la visite plus agréable et enrichissante pour tous.
Le service éducatif souhaite proposer de nouveaux parcours à moyen terme. Ils aimeraient également développer l'aspect créatif. Pour ce faire, ils envisagent la mise sur pied d'ateliers de création. Plusieurs possibilités sont imaginables: atelier d'écriture, atelier de création de sculptures, atelier de débat,... Ces projets sont certes intéressants mais encore vagues; il faut attendre et voir comment ces bonnes idées vont prendre corps à l’avenir.
3. Le Musée royal de Mariemont:
Je me suis rendue au Musée royal de Mariemont le mardi 4 avril 2006 vers 10h. J'y ai rencontré Marie-Cécile Bruwier et Anne-Françoise Rasseaux. Après notre entretien, A.-F. Rasseaux m'a fait découvrir quelques pièces des collections du musée qui peuvent être touchées par les visiteurs déficients visuels.
a) L'accès:
L'accès des personnes déficientes visuelles au Musée royal de Mariemont est réellement problématique. En effet, ce musée se trouve fort éloigné de toute gare et est mal desservi par le réseau des bus. La seule voie d'accès possible est la voiture ou le car privé, ce qui implique que le visiteur déficient visuel doit se faire accompagner d'un voyant qui dispose d'un véhicule.
Par contre, il est à noter que le musée répond à toutes les normes d'accessibilité fixées par les autorités. Les membres du service pédagogique de Mariemont tiennent à accueillir tous les publics:
"En fait, la philosophie générale est d'accueillir toute personne, quel que soit son bagage intellectuel ou ses caractéristiques physiques." [34]
b) Le public visé:
Comme je viens de le signaler ci-dessus, tous les déficients visuels sont reçus au Musée royal de Mariemont. Mais, en pratique, le musée reçoit principalement des groupes issus de l'association de la Ligue braille. Une visite est organisée annuellement. Le Musée propose aussi des visites individuelles sur rendez-vous dont le contenu est adapté aux demandes spécifiques et préalables du visiteur [35].
Malheureusement, le Musée royal de Mariemont n'a pas noué de contacts avec d'autres associations, ce qui les prive d'un public potentiel de déficients visuels relativement important et de moyens de promotion de leurs activités. En effet, c'est au sein des associations que le bouche à oreille fonctionne le mieux entre les déficients visuels.
c) Deux parcours originaux:
M.-C. Bruwier avait proposé au public déficient visuel deux parcours très originaux. Le premier était axé sur la pierre. Elle avait présenté des pièces qui pouvaient être placées sur une table pour faciliter la découverte tactile et rendre la visite plus confortable pour le visiteur. Les polychromes étaient écartés pour ne pas être abîmés par le contact avec la peau. Ce parcours visait à présenter les différentes pierres et à apprendre aux déficients visuels à les identifier.
Quant au deuxième parcours imaginé par M.-C. Bruwier, il exploitait le sens auditif. Ce parcours présentait une série de céramiques que la guide faisait raisonner afin que le visiteur puisse percevoir les différences de son et de technique. Le visiteur déficient visuel pouvait, avec un peu d'exercice, reconnaître les oeuvres qui présentaient des petites imperfections ou bien encore des aspérités [36].
d) Des idées à développer:
Les membres du service pédagogique a imaginé un parcours multisensoriel au sein du parc de Mariemont. L'idée est de faire découvrir les oeuvres d'art exposées en plein air. Mais, comme celles-ci sont hautes et, en prime, placées sur des socles, elles se révèlent très difficiles à appréhender dans leur ensemble. Pour résoudre ce problème, les membres du service éducatif de Mariemont désirent faire réaliser des copies de taille réduite qui seraient placées à côté de l'oeuvre originale. C'est le premier volet de la visite. Le second volet s'attache à faire découvrir aux déficients visuels les différentes espèces rares d'arbres qui sont plantées dans le parc.
Mais, la réalisation de ces copies de taille réduite et la mise en oeuvre de ce projet multisensoriel impliquent un coût financier que le Musée royal de Mariemont ne peut assumer. Le service pédagogique ne sait où frapper pour obtenir des subsides et se sent démuni face à la complexité du système politique belge et à leur manque de budget.
Les membres du service éducatif de Mariemont approuvent et soutiennent l'idée de la mise en place d'activités préparatoires à la visite; ils le font déjà pour les groupes scolaires dits ordinaires si ces derniers en font la demande expresse. Le service pédagogique ne le propose pas systématiquement car ils n'ont pas assez de personnel pour rencontrer tous les groupes. Mais, si un groupe de déficients visuels fait cette demande, la mise en oeuvre d'une activité préparatoire à la visite au musée est tout à fait envisageable. Les activités de prolongement peuvent également être réalisées suite à une demande spécifique du groupe ou de son responsable.
En conclusion, pour le public déficient visuel, le Musée royal de Mariemont propose des parcours à la demande dans leurs collections; celles-ci permettent d'envisager des angles d'approche très différents car le musée possède des pièces très variées sur le plan historique et géographique. Le service pédagogique est confronté à trois problèmes majeurs: l'accès au musée, le manque de contact avec les associations et l'absence de financement pour les visites à destination du public déficient visuel. Des activités de préparation et de prolongement à la visite au musée sont une posibilité que le service éducatif approuve et peut mettre sur pied suite à une demande préalable. Les visites individuelles sont favorisées pour permettre de répondre plus spécifiquement aux demandes du visiteur.
Les membres du service pédagogique de Mariemont ne manquent pas d'idées pour concevoir de nouveaux parcours adaptés aux déficients visuels; ils privilégient une approche multisensorielle. Mais, le manque de financement empêche ses idées de se concrétiser dans la réalité. Ils aimeraient et devraient également bénéficier, comme les autres musées de cet échantillon, du soutien logistique d'une association pour réaliser les différents supports didactiques dont ils ont besoin comme, par exemple, les catalogues d'expositions en braille ou sur CD.
Les membres du service pédagogique rêvent de disposer de davantage de temps et de personnel qualifié pour pouvoir mieux préparer et adapter les visites en fonction des caractéristiques et des demandes de leurs visiteurs. Ils souhaitent enfin pouvoir coguider la visite avec une personne déficiente visuelle qui pourrait offrir son expérience et sa vision de l'art. Voilà quelques idées intéressantes et pertinentes que je ne peux m'empêcher d'approuver: "j'en rêve comme eux." [37]
4. Les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles:
Je me suis rendue aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles le mardi 9 mai 2006 vers 14h. J'y ai rencontré Marie-Suzanne Gilleman et Murielle Alpen. J'étais déjà allée, quelques semaines plus tôt, au musée consacré à Constantin Meunier pour une visite tactile et aux Beaux-Arts pour prendre part à une visite expérimentale consacré à l'art pictural.
a) Une situation actuelle quelque peu perturbée:
Les membres du service éducatif des Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles proposaient, depuis 1998, des parcours tactiles au sein des collections permanentes du musée. Mais, avec les travaux, qui sont actuellement en cours aux Beaux-Arts, les visites sur ce site sont, pour le moment, interrompues. Les visiteurs déficients visuels, qui désirent néanmoins faire une visite tactile, peuvent se rendre au musée consacré au peintre et sculpteur belge, Constantin Meunier; ils seront reçus et guidés par un membre du service pédagogique des Musées royaux des Beaux-Arts.
Le Musée Constantin Meunier; il s'agit de la dernière résidence et du dernier atelier occupé par l'artiste belge. Ce musée dépend directement des Musées royaux des Beaux-Arts. Ce musée met principalement en valeur les sculptures de Meunier consacrées au monde ouvrier et expose également ses peintures. La visite est axée sur la découverte tactile; mais, si le visiteur déficient visuel le souhaite, le guide de musée peut également lui décrire les tableaux exposés [38].
b) Les supports didactiques:
Pour les visites tactiles qui sont normalement organisées aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, les membres du service pédagogique disposent de ce qu'ils appellent des cartes postales sonores qui replacent l'oeuvre d'art dans son contexte sonore. Autrement dit, il s'agit d'un bruitage, d'une mise en scène sonore qui dure deux ou trois minutes et qui donne une ambiance, une atmosphère proche de ce que la sculpture incarne et-ou des émotions que l'artiste aurait voulu faire transparaître. Ce travail de mise en son a été réalisé par des étudiants de l'IAD de Louvain-La-Neuve. Cet outil didactique est employé comme soutien, comme complément à la visite guidée; mais son exploitation n'est pas systématique. En outre, s'il peut s'avérer fort utile, il reste relativement subjectif [39].
Les membres du service pédagogique des Beaux-Arts disposent également de mallettes didactiques qui contiennent des répliques des différents outils du sculpteur. Ce sont principalement des outils qui servent au travail de la pierre. Cette mallette contient encore des échantillons des différentes pierres.
c) L'organisation concrète d'une visite tactile:
Aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, le public déficient visuel a la possibilité de toucher une quarantaine de sculptures. Cette liste d'oeuvres d'art a été déterminée par les conservateurs du musée. Ces sculptures se trouvent normalement exposées dans les salles du musée.
En fonction du thème de la visite ou de la demande préalable des visiteurs, les guides de musée choisissent, au sein de la dite liste, en moyenne cinq ou six sculptures qu'ils font découvrir aux visiteurs. Le nombre de sculptures présentées varie principalement en fonction de l'âge des visiteurs et de leur motivation. En fonction de ces critères, les guides peuvent préalablement adapter cette sélection; ils peuvent aussi, en cours de route, y avoir réduction ou rallongement de la visite en fonction des réactions manifestées par les visiteurs [40].
d) La préparation des visites:
Lors de chaque réservation de groupe de déficients visuels, le guide de musée s'entretient directement ou prend ensuite contact avec le responsable du dit groupe pour mieux se rendre compte des différentes caractéristiques et des souhaits éventuels des futurs visiteurs. S'il s'agit d'un groupe d'enfants, les membres du service pédagogique estiment que ce contact et cette préparation est obligatoire pour le bon déroulement de la visite. S'il s'agit d'une réservation individuelle, des renseignements sur les attentes du visiteur sont également demandés [41].
e) L'évaluation:
Lors d'une visite d'un groupe de déficients visuels, une évaluation a systématiquement lieu après la dite visite. Celle-ci se fait en deux temps. Une partie de l'évaluation est réalisée par le membre du service pédagogique qui a guidé les déficients visuels. L'autre partie est un questionnaire remis au responsable du groupe. Généralement, ce dernier y répond et renvoie ensuite l'exemplaire rempli par courrier au service pédagogique du musée. Les dites évaluations sont ensuite consultées et exploitées lors des réunions qui regroupent les guides chargés des visites à destination du public déficient visuel.
f) Une démarche expérimentale:
En ce moment, les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles mènent à bien un projet expérimental en collaboration avec l'association de la Ligue braille. Leur objectif est de mettre sur pied des parcours adaptés consacrés à l'art pictural. Pour ce faire, les membres du service pédagogique du musée proposent différentes visites construites sur base de méthodes d'approche variable. Ensuite, chaque méthode est évaluée à l'aide d'un questionnaire rempli oralement par chaque visiteur après son parcours, d'une évaluation menée par le guide de musée et d'une évaluation remplie par le délégué de l'association.
Le vendredi 31 mars 2006, j'ai personnellement assisté à l'une de ces visites expérimentales aux Musées royaux des Beaux-Arts. Pour chaque peinture, la guide de musée commençait par une mise en ambiance musicale à l'aide d'un morceau qui s'inscrit dans le même courant artistique que le tableau ou qui rend une atmosphère la plus semblable possible à celle qui est transmise par la peinture. Ensuite, elle passait à une description très systématique et détaillée de l'oeuvre d'art. Chaque détail, chaque nuance de couleur était explicitée. Enfin, la guide lisait des citations d'auteurs, contemporains du peintre, qui ont évoqué ce tableau dans leurs écrits. Pour deux des quatre peintures présentées, la Ligue braille a imprimé un relief qui représente le thème principal du tableau; les petits détails n'y figuraient pas [42].
Il est encore bien trop tôt pour présenter les conclusions de cette étude. En effet, d'autres méthodes doivent encore être expérimentées sur le groupe-test de la Ligue braille. En outre, les évaluations doivent être étudiées dans le détail. En mai 2007, les Musées royaux des Beaux-Arts et la Ligue braille organisent conjointement un colloque qui aura pour but de faire un bilan de cette expérience et de tirer des conclusions pour de futurs parcours consacrés à l'art pictural.
En conclusion, les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles proposent, en temps normal, des parcours tactiles dans les collections du musée. Ceux-ci sont établis en fonction des besoins et-ou des demandes des visiteurs, et ce, qu'ils soient en groupe ou qu'il s'agisse de visites individuelles. Les parcours tactiles sont également évalués afin d'améliorer la qualité des visites guidées. Les membres du service éducatif disposent d'outils didactiques variés et pratiques pour rendre leur visite plus vivante et pour mettre en exergue le travail entrepris par l'artiste. Comme le musée des Beaux-Arts sont actuellement en travaux, la voie alternative mise en place se trouve être le musée Constantin Meunier qui ne manque pas d'attrait culturel. La visite proposée suit la même dynamique que les autres parcours tactiles.
L'expérience, qui est actuellement menée conjointement par les Musées royaux des Beaux-Arts et par l'association de la Ligue braille, se révèle très novatrice. Plusieurs démarches sont expérimentées afin de mettre sur pied des parcours consacrés à la peinture. On ne peut encore retirer de conclusions de ces expériences. Néanmoins, les personnes que j'ai rencontrées semblent ravies de cette initiative. Notons cependant que ces personnes font partie des deux premiers groupes présentés dans la seconde section du premier chapitre de cette étude. Il est très probable que les aveugles congénitaux n'apprécient guère les parcours consacrés à la peinture et préfèrent suivre des visites tactiles, et ce, pour les raisons déjà citées dans le premier chapitre.
5. Le Musée d'art contemporain du Grand-Hornu:
Je ne me suis pas rendue au Musée d'art contemporain du Grand-Hornu pour un entretien comme je l'ai fait dans les quatre institutions muséales présentées plus haut. En effet, j'ai participé à la préparation des adaptations de plusieurs visites et j'ai également suivi plusieurs visites guidées en tant que membre du public déficient visuel.
a) Une dynamique de musée qui change:
Le musée d'art contemporain du Grand-Hornu se situe sur un ancien site minier qui est ainsi réhabilité. Il est actuellement possible de visiter ce site. Cette visite est axée sur deux aspects: le premier présente l'architecture du site; le second aspect de la visite montre la vie quotidienne des mineurs et de leur patron pendant la période d'exploitation de la mine. Les visiteurs déficients visuels peuvent visiter ce site en compagnie d'un guide mal-voyant qui travaille au musée d'art contemporain [43].
Le musée du Grand-Hornu met régulièrement sur pied des expositions thématiques toujours consacrées à l'art contemporain. Ces expositions sont adaptées par la guide de musée responsable des visites à destination du public déficient visuel. Il peut arriver que certaines expositions ne soient pas adaptables. Mais, comme le musée d'art contemporain présente généralement deux expositions simultanément, une visite guidée adaptée est toujours envisageable dans cette institution muséale.
b) Le travail d'adaptation:
Le musée d'art contemporain du Grand-Hornu a, depuis un peu plus de deux ans, signé un accord de partenariat avec l'association des Amis des aveugles. L'adaptation d'une exposition commence par une visite préparatoire. La guide de musée fait visiter l'exposition à un ou plusieurs membres des Amis des aveugles. Alain Eckerman, psychologue de l'association, prend une part active dans ce projet; il est lui-même déficient visuel. Il est généralement aidé par une ergothérapeute de l'association. Quand j'en ai la possibilité, je me joins à cette équipe [44].
Cette équipe détermine les oeuvres qui seront présentées aux futurs visiteurs déficients visuels. Elle discute puis choisit le meilleur angle pour aborder l'oeuvre. Une oeuvre peut être touchée. Sinon, elle peut être reproduite en relief sur support papier; elle peut être reproduite en miniature où elle peut encore être décrite oralement par la guide de musée. C'est réellement du travail au cas par cas [45].
L'adaptation d'une exposition pour le public déficient visuel est généralement sélective. En effet, certaines oeuvres d'art ne peuvent être adaptées ou n'apporteront qu'un sentiment d'insatisfaction. Par exemple, nous avons écarté d'une visite adaptée une vidéo muette. Durant la visite préparatoire, la guide nous l'a décrite. Mais, Alain Eckerman et moi-même avons choisi de l'écarter car nous étions frustrés de ne pas pouvoir mieux la percevoir. Les aveugles auraient eu trop de difficultés à la comprendre. Nous avons également exclu une série de photos consacrées à la Tamise qui montre le fleuve à différents moments du jour et sous différents climats. Il était trop complexe d'expliquer les différentes nuances de couleur et de lumière.
c) La visite des déficients visuels:
Après ce travail de préparation et la réalisation des outils didactiques, la visite proprement dite a finalement lieu avec un groupe des Amis des aveugles. Plusieurs membres de ce groupe reviennent très régulièrement, et ce, en fonction de leurs disponibilités. D'autres ne viennent qu'occasionnellement; mais, ils sont minoritaires. Les trois niveaux de vision évoqués plus haut sont représentés; il s'agit d'un groupe composé d'adultes de tous âges et de niveau socioculturel variable: c'est un petit microcosme de la Belgique qui s'est naturellement constitué. D'autres groupes sont également reçus par les membres du service pédagogique [46].
J'essaie, autant que faire se peut, d'assister à ces visites afin de profiter moi-même du plaisir de suivre une visite guidée sur un thème dont j'ignore tout et pour observer les réactions des visiteurs et discuter avec eux afin d'avoir leurs avis et de connaître leurs attentes. Ceci se déroule dans un cadre tout à fait informel et sympathique. Aucune évaluation structurée n'est menée par les membres du service pédagogique ou par l'association des Amis des aveugles.
A cause de mon emploi du temps à l'université, je n'ai jamais eu l'opportunité, durant ces deux dernières années, de suivre tout le processus: la visite préparatoire et la visite du groupe des Amis des aveugles. Pour chaque exposition, je n'ai pu assister qu'à l'une de ses deux phases. Cela m'empêche d'avoir un regard d'ensemble et de pouvoir mieux percevoir la qualité du travail effectué par l'équipe et la pertinence de mon propre rôle au sein de la dite épuipe préparatoire. Je le déplore vivement et j'espère pouvoir rapidement combler cette lacune.
En conclusion, le Musée d'art contemporain du Grand-Hornu propose une visite permanente sous la houlette d'un déficient visuel et des visites ponctuelles présentant les expositions en place. Chaque exposition est adaptée par une équipe composée de la guide de musée et d'un ou plusieurs membres de l'association. Suit alors la visite du groupe des Amis des aveugles et d'autres groupes ne dépendant pas du partenariat. Le rôle des déficients visuels est flagrant dans ce mode de fonctionnement. C'est eux qui sélectionnent, avec la guide du musée, les oeuvres qui seront présentées.
Il m'est difficile de poser un regard critique sur ce mode opératoire vu que je suis directement impliquée dans le processus. Je peux néanmoins signaler que le Musée d'art contemporain du Grand-Hornu a reçu cette année le prix des musées et que les activités organisées pour les déficients visuels ont favorisé cette nomination.
Conclusion:
La majorité des services pédagogiques des musées présentés dans ce chapitre favorisent le sens tactile pour pallier aux lacunes ou à l'absence de vue. Cette voie est, sans nul doute, la plus aisée et la plus logique. Mais, elle est loin d'être la seule voie exploitable. Les Musées royaux d'art et d'histoire, le Musée royal de Mariemont, les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles et le Musée d'art contemporain expérimentent des approches multisensorielles de l'art. Ce choix permet d'augmenter la satisfaction d'un plus large public et de proposer une adaptation plus affinée en fonction de l'oeuvre, des caractéristiques et des réactions des visiteurs déficients visuels [47].
Hormis les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire, les quatre autres musées ne bénéficient que d'une petite expérience sur le plan chronologique. Ils sont encore dans une démarche expérimentale et évolutive. Mais, hormis le Musée de Louvain-La-Neuve, aucune de ces institutions muséales ne s'est encore fixée d'objectifs didactiques.
En didactique, il existe, en effet, cinq types d'objectifs: les objectifs cognitifs, socioaffectifs, sensorimoteurs, moraux et esthétiques. Dans le cadre qui nous occupe, les services pédagogiques pourraient favoriser les objectifs cognitifs, socioaffectifs, et surtout, les objectifs esthétiques lors de l'élaboration d'une visite adaptée.
L'une des difficultés récurrentes et réellement problématique renncontrée dans les cinq musées de mon échantillon est le financement. Seul le Musée pour aveugles du Cinquantenaire bénéficie actuellement d'un financement pour la mise en place des visites réservées au public déficient visuel et celui-ci est très maigre et très difficile à réunir. Sans financement, il est difficile pour les services éducatifs de disposer d'un personnel suffisant et formé à ce travail spécifique, de réaliser les outils didactiques nécessaires lors des visites et de prendre le temps d'organiser des activités de préparation et de prolongement des visites. La seule aide à laquelle les musées peuvent actuellement faire efficacement appel est celle prodiguée par les associations pour déficients visuels. Sans une amélioration notable du financement, il sera difficile, pour les services pédagogiques, de continuer à améliorer leurs parcours adaptés [48].
Il s'avère également difficile d'améliorer les activités actuellement proposées sans programme d'évaluation clairement établi. La majorité des musées se cantonnent à une évaluation informelle à la fin de la visite: "Qu'avez-vous pensé de cette visite ?" J'espère que cette visite vous a plu ?"
Certains musées ne le font pas, faute de temps ou de méthode préalablement définie comme le Musée royal de Mariemont. D'autres s'y refusent par choix comme les Musées royaux d’art et d'histoire qui estiment inutilement ennuyeux pour le visiteur de devoir remplir une évaluation après une visite.
Pourtant, les Musées royaux des Beaux-Arts ont un programme d'évaluation, et ce, aussi bien lors de la phase expérimentale que lorsqu’un parcours existe depuis quelques temps. Cela favorise la mise sur pied de bons parcours sur le plan didactigue, parcours qui visent et plaisent à un maximum de personnes. Cela permet également une remise en question régulière des parcours établis et du travail du service pédagogique.
Dans le prochain chapitre de ce mémoire, je compte donner quelques suggestions afin d'encore améliorer la qualité des activités mises en place pour le public déficient visuel. Je vais également proposer des pistes de recherche de didactique pour mieux comprendre les attentes de ce nouveau public, mieux y répondre et évaluer son degré de satisfaction. Tels seront mes objectifs.
Chapitre III: Quelques pistes pour aller plus loin
Introduction:
Après avoir présenté la situation actuelle dans cinq des principaux musées belges francophones d'art, je compte, dans ce troisième et dernier chapitre de ce mémoire de DEA en didactique, vous soumettre une série de suggestions concrètes et de pistes de recherche afin d'encore améliorer la qualité des visites à destination du public déficient visuel dans les institutions muséales. Les différentes propositions ainsi que les points de vue que je vais développer dans les prochaines pages résultent à la fois de mon expérience personnelle de déficience visuelle qui possède un bagage universitaire, de mon observation et de mes échanges avec d'autres déficients visuels issus des trois groupes présentés dans le premier chapitre de cette étude, de mes contacts avec différentes associations pour déficients visuels, et enfin, de mes entretiens avec les membres des services pédagogiques de musée en charge des visites adaptées à ce nouveau public.
La première section de ce dernier chapitre traite de l'élaboration du programme pédagogique. Comment un service pédagogique peut-il procéder pour préparer et concevoir concrètement une visite adaptée au public déficient visuel ? Doit-il travailler seul ou en partenariat avec une association ? Y a-t-il plusieurs méthodes de travail envisageables ? Je tenterai de répondre à ces quelques questions pour mettre en exergue les méthodes qui, après les entretiens que j'ai réalisés, me paraissent être de bonnes pratiques. J'insisterai encore sur le fait que les déficients visuels constituent un public complexe et multiforme intégré dans la société. Aujourd'hui, le mot clef n'est plus la "différence" mais bien "l'intégration."
Dans la seconde partie de ce chapitre, j'aborderai l'approche multisensorielle de l'art. J'estime, en effet, que l'approche multisensorielle est la méthode la plus appropriée pour adapter ou créer une visite à destination du public déficient visuel. Je vais démontrer que les différentes expériences menées dans certains musées que j'ai visités attestent de la pertinence et de l'efficacité de cette approche. Je proposerai également quelques idées pratiques relatives à l'approche multisensorielle des oeuvres d'art.
Dans la troisième section, j'aborderai l'approche par l'histoire et la contextualisation. Mon expérience personnelle et mes contacts avec des guides de musée en charge des visites destinées au public déficient visuel soutiennent que l'approche par l'histoire et la contextualisation peut permettre de pallier partiellement à la déficience de vue et d'augmenter la satisfaction et l'intérêt du public visé.
Enfin, dans la dernière section de ce troisième chapitre, je proposerai des pistes de recherche afin d'améliorer les connaissances au sujet des besoins et des souhaits du public déficient visuel. Je vais également développer des propositions de programmes d'évaluation permettant d'améliorer la qualité du travail d'adaptation et de guidance lors des visites destinées à ce ou ces publics.
1. L'élaboration du programme pédagogique:
a) Le rôle de l'association:
En Belgique francophone, les services pédagogiques des musées se voient actuellement contraints de faire appel au soutien d'une association pour déficients visuels lors de l'élaboration d'une visite adaptée à ce nouveau public. Le soutien en question peut s'opérer sur trois pôles différents.
En premier lieu, les associations peuvent, comme pour le musée d'art contemporain du Grand-Hornu, fournir une aide, des conseils lors de la préparation de la visite adaptée. Ils déterminent ensemble les différentes oeuvres d'art qui seront présentées aux visiteurs déficients visuels et la méthode qui sera utilisée par le guide de musée lors de la visite.
Ensuite, les associations peuvent apporter un soutien logistique en réalisant différents supports didactiques adaptés comme les fiches signalétiques en braille et en grands caractères, les catalogues d'exposition sur support écrit ou audio ou bien encore les cartes et les plans en relief [49].
Enfin, les associations peuvent favoriser la diffusion et la promotion des expositions et événements culturels organisés par les institutions muséales. Ils peuvent fournir les adresses des personnes susceptibles d'être intéressées par une visite au musée. Ils peuvent aussi diffuser la nouvelle aux membres de l'association par courrier ou lors des rencontres avec les déficients visuels. Ils peuvent encore constituer eux-mêmes des groupes de visiteurs et mettre le bouche à oreille en route [50].
Il s'avère donc à la fois utile et bon que le service pédagogique d'un musée noue des contacts durables et profitables avec une association pour l'élaboration d'un programme éducatif de qualité. Généralement, un musée privilégie les rapports avec une association qui fait partie du même pilier idéologique que l'institution muséale. Cependant, le musée doit éviter de s'enfermer dans le processus de polarisation typiquement belge et rester ouvert aux autres associations pour déficients visuels afin de maximiser le nombre de visiteurs potentiels.
En Belgique francophone, il existe trois associations principales pour les déficients visuels capables d'offrir cette aide: Les Amis des aveugles, L'Oeuvre nationale des aveugles (ONA) ainsi que la Ligue braille. Si une institution muséale noue des contacts réguliers et privilégiés avec une association pour l'élaboration du programme pédagogique, il doit néanmoins informer régulièrement les autres des nouvelles activités organisées et les convier à venir leur rendre visite.
b) L'élaboration du programme pédagogique:
Les services pédagogiques des musées peuvent, en collaboration avec les associations pour déficients visuels, utiliser différentes méthodes pour préparer et concevoir un programme éducatif adapté de qualité. Mes observations dans les différentes institutions muséales de mon échantillon ainsi que les entretiens que j'ai menés avec les guides de musée responsables de ces visites me conduisent à privilégier deux méthodes.
La première méthode, qui est employée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, exige la mise en place d'un long processus d'expérimentation et d'évaluation. Le service éducatif du musée met sur pied différentes visites consacrées à un même art ou à un même thème et exploitent des méthodes de guidance basées sur des thématiques variables: l'étude comparative de plusieurs oeuvres d'art, l'étude détaillée d'une unique oeuvre dite exemplative, l'approche insistant sur l'histoire de l'oeuvre dans l'Histoire,... Chacune de ces diférentes méthodes est évaluée par les membres du service pédagogique du musée, les délégués de l'association et les membres du groupe-test de l'association qui remplissent oralement un questionnaire d'évaluation. Au terme du processus d'expérimentation, un ou plusieurs parcours seront alors mis en place dans le long terme.
Pour que cette première méthode se révèle pertinente et fiable, il convient que les membres du service pédagogique définissent clairement le public ciblé et que le groupe-test soit représentatif du dit public. Autrement dit, si la visite est destinée à tous les déficients visuels, il est alors impératif que les trois groupes définis dans la seconde section du premier chapitre figurent au sein du groupe-test de l'association, que toutes les tranches d'âge et tous les groupes socioculturels soient représentés.
Quant à la deuxième méthode, qui est utilisée au musée d'art contemporain du Grand-Hornu, elle se révèle efficace pour les parcours à court et moyen terme. Le dialogue entre les membres du personnel de l'association et le guide de musée en charge de ces visites permet la sélection des oeuvres d'art présentées et le choix de l'angle d'approche à emprunter.
Avec la dite méthode, il est impératif qu'un déficient visuel soit membre de l'équipe de préparation et qu'il bénéficie du recul et de l'expérience nécessaire pour offrir un point de vue global et critique et non sa seule vision des choses. Une évaluation formative doit également être mise sur pied dans le cadre de cette deuxième méthode [51].
c) Un public multiforme:
Jusqu'ici, mon propos traitait principalement des visites adaptées pour les groupes et, de façon plus ponctuelle, des visites individuelles. Ces deux formes d'organisation de visites sont le fruit d'une vision classique de la guidance pour le public déficient visuel. Mais, il reste un facteur prépondérant qu'il est important de prendre en compte dans cette étude: l'intégration des déficients visuels au sein de la société. Mais, que cela implique-t-il pour les musées ?
Aujourd'hui, en Belgique, la grande majorité des enfants déficients visuels est intégrée dans l'enseignement ordinaire. Ceux-ci sont donc naturellement amenés à se rendre au musée avec leur classe qui est composée d'enfants voyants. Il est alors bon que le guide de musée soit préalablement informé de la venue d'un enfant mal ou non-voyant avec sa classe. Celui-ci peut alors réagir de plusieurs façons.
Le guide de musée peut, par exemple, prévoir du matériel didactique adapté que les autres enfants puissent également découvrir afin de ne pas donner une impression de "favoritisme". Le guide de musée peut également inviter les enfants voyants à décrire les oeuvres d'art à leur compagnon de classe. Cela permet le développement de leur sens de l'observation et de l'esthétique et cela permet encore d'affiner leur vocabulaire. Mais, il est important que cela reste ludique afin de ne pas ennuyer ou brimer les enfants voyants [52].
Des enfants déficients visuels se rendent aussi au musée en compagnie de leur famille. Actuellement, certains musées proposent des mallettes didactiques comportant du matériel et des fiches de renseignements pour que les parents puissent mieux faire découvrir les oeuvres d'art à leurs enfants. On pourrait alors imaginer d'adapter ces malettes didactiques aux enfants déficients visuels avec, pour reprendre une bonne idée des Musées royaux des Beaux-Arts, les outils du sculpteur. Des fiches en braille et en grands caractères pourraient aussi être prévues ainsi que des cartes et des plans en relief.
Les visiteurs déficients visuels adolescents ou adultes peuvent aussi se rendre au musée en famille ou entre amis. Il est alors important de tenir compte de leur présence lors de la visite sans, pour autant, que les autres visiteurs éprouvent le sentiment de passer au second plan, ce qui est parfois le cas lors de visites destinées à ce public. L'intégration sous-entend qu'il faut tenir compte des besoins de tous et de chacun, déficients visuels ou voyants.
Enfin, il me semble impératif de ne pas oublier que les déficients visuels constituent un public multiforme. C'est pourquoi, une adaptation axée sur une méthode unique d'approche comme, par exemple, la découverte tactile ou bien encore la description orale ne conviendra pas à tous les visiteurs déficients visuels. La meilleure réponse est encore de varier les angles d'approche au sein d'une même visite et, pourquoi, pas, pour aborder une même oeuvre d'art. L'approche multisensorielle est donc une voie à privilégier vu son caractère multiforme et créatif [53].
d) L'organisation concrète d'une visite:
Mais, avant d'aborder la prochaine section consacrée à l'approche multisensorielle de l'art, il me semble important de revenir sur quelques considérations pratiques relatives à la mise en oeuvre des visites adaptées. Après l'élaboration du programme pédagogique, le service éducatif du musée doit assurer la promotion de l'exposition ou de l'événement culturel organisé. Si les associations pour déficients visuels peuvent apporter leur concours par les différents moyens évoqués plus haut, c'est le musée qui doit prendre en main le gros de la diffusion. La constitution d'un adressographe, comme celui des Musées royaux d'art et d'histoire, est une méthode efficace pour informer les visiteurs qui sont déjà venus dans l'institution muséale. Quant aux visiteurs potentiels, ils peuvent être informés par la presse [54].
L'informatique se révèle être un moyen moderne dont l'usage et les effets positifs pour la promotion ne vont cesser de croître dans les années à venir. Un adressographe informatique, avec les adresses électroniques des visiteurs, peut aussi être constitué. Quant au site internet du musée, il peut réserver une page informatique aux visites destinées au public déficient visuel. Dans ce dernier cas de figure, les associations peuvent, à nouveau, se révéler fort utiles en aidant les musées à élaborer des sites accessibles aux déficients visuels [55].
Le service pédagogique d'un musée doit idéalement pouvoir proposer tous les schémas de visites possibles: visites de groupes d'association, visites de groupes d'amis, visites individuelles, visites en famille,... Le délais d'attente lors de la réservation d'une visite doit être le plus réduit possible; en effet, les visiteurs se décident souvent, comme le dit le vieil adage, à la dernière minute.
S'il s'agit d'une visite de groupe, il est bon de veiller à ce qu'il y ait un guide de musée pour quatre visiteurs déficients visuels au maximum. Les accompagnants voyants peuvent s'ajouter à ce nombre de quatre. Il est préférable de regrouper des personnes ayant plus ou moins le même niveau de vision dans un même petit groupe afin que le guide puisse mieux adapter son discours aux capacités de ces visiteurs. Ainsi, il n'y a pas de surplus d'informations qui pourraient ennuyer les autres membres du groupe ou, à l'opposé, de personnes qui n'ont pas reçu les informations nécessaires afin qu'ils puissent mieux comprendre l'oeuvre d'art qui est présentée. Certains guides de musée que j'ai rencontrés n'approuvent pas cette méthode de division et estiment préférable de laisser les petits groupes se former spontanément; l'aspect relationnel est ainsi privilégié. L'avantage de l'une ou l'autre méthode mérite, à mon avis, réflexion et d'être débattu et concrètement étudié.
Après toutes ces considérations pratiques, abordons maintenant l'approche multisensorielle de l'art qui permet d'adapter les parcours de façon diversifiée, multiforme et, par voie de conséquence, de satisfaire un nombre maximal de déficients visuels.
2. L'approche multisensorielle de l'art:
Pour pallier au handicap visuel, un même parcours peut être successivement, et même simultanément, abordé sur base de différents angles dits sensoriels. Certes, le toucher et l'audition sont les angles sensoriels généralement privilégiés par les membres des services éducatifs. Néanmoins, le sens olfactif et le goût ne sont pas non plus à négliger. L'approche multisensorielle est donc une méthode d'adaptation qui recourt à tous les sens en fonction des caractéristiques de l'oeuvre d'art et du public ciblé.
a) Le toucher:
La découverte tactile est généralement l'angle d'approche sensoriel qui est privilégié par les guides de musée dont ceux du Musée de Louvain-La-Neuve et du Musée royal de Mariemont. Une partie non négligeable des sculptures peuvent être touchées sans causer de dommages aux oeuvres d'art. Pour certaines sculptures, plus fragiles, le Musée de Louvain-La-Neuve a envisagé puis expérimenté la possibilité d'être touchées à l'aide de gants; mais, cette méthode s'est révélée, au terme de l'expérience, peu concluante; en effet, le gant fait écran entre la peau et l'oeuvre d'art. Il s'avère donc préférable de ne toucher que les oeuvres qui ne peuvent pas être altérées par le contact de la peau ou de toucher des moulages.
Si la très grande majorité des déficients visuels touchent les oeuvres d'art avec prudence et délicatesse, une faible minorité de ces personnes font preuve de brusquerie et risquent d'abîmer les sculptures. C'est alors au guide de musée d'observer les attitudes de la personne et de s'adapter aux circonstances.
Comme je l'ai déjà évoqué dans le premier chapitre de ce mémoire, certains déficients visuels, et principalement, des malvoyants, éprouvent des difficultés, et même, de réelles craintes quand ils sont amenés à toucher des sculptures. Si le guide de musée remarque que le visiteur éprouve ces sentiments, celui-ci peut alors l'aider en lui proposant de guider ses mains afin que le déficient visuel ne se perde pas dans l'oeuvre. Pour ces personnes, il est également utile d'accompagner la découverte tactile d'un commentaire oral et descriptif.
Le toucher subsidiaire est l'utilisation d'outils didactiques tactiles afin d'aider le déficient visuel à mieux percevoir l'oeuvre qui lui est présentée ou de surmonter l'interdiction de toucher. Les moulages permettent aux déficients visuels de découvrir des oeuvres d'art fragiles qui ne peuvent être touchées. Si les sculptures sont trop hautes, la taille des copies peut être modifiée afin de faciliter la découverte tactile. Généralement, les moulages sont réalisés en plâtre. Pour que le déficient visuel puisse néanmoins se faire une juste idée de la matière employée par l'artiste, un petit échantillon peut être placé à côté du moulage [56].
Lors de visites présentant des vêtements d'époque, le guide peut adopter le toucher subsidiaire à l’aide de deux approches. La première est d'habiller le visiteur avec une réplique du vêtement. La copie doit être coupée de la même façon et réalisée avec le même tissus. Le déficient visuel peut ainsi percevoir le vêtement: forme, poids, matière. Cette approche est appréciée car elle est ludique.
Pour la deuxième approche, les concepteurs de la visite adaptée doivent habiller des poupées avec des vêtements coupés de la même façon que l'original et cousus au moyen du même tissus. Cette approche, moins ludique que la première, permet au visiteur déficient visuel de mieux percevoir les particularités du vêtement: technique pour couper le vêtement, coutures, différentes couches du vêtement. Le visiteur déficient visuel peut également comparer plus facilement les différents vêtements en touchant successivement les différentes poupées.
b) L'audition:
La deuxième approche sensorielle recourt à l'audition. Celle-ci repose sur deux techniques à la fois différentes et complémentaires. La première technique est la description. Bien décrire est complexe; c'est véritablement un art en soi. Le choix des informations livrées au visiteur déficient visuel fluctue notablement en fonction du niveau de vision de celui-ci. C'est pourquoi, il est bon que le guide de musée soit informé des caractéristiques du handicap de la personne. Pour ce faire, le guide peut directement interroger la personne ou consulter son accompagnant voyant. Personnellement, je privilégie la première méthode car celle-ci a le mérite d'être franche, naturelle et directe [57].
Il existe différentes méthodes de description. Les Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles expérimentent et évaluent actuellement la pertinence et le degré de satisfaction relatif à chaque méthode. Je me permets ici de vous soumettre la méthode que j'estime la plus appropriée et performante. Tout d'abord, le guide de musée doit évoquer le thème général de l'oeuvre d'art, ce que l'on voit au premier coup d'oeil. Ensuite, il doit décrire les différents plans en commençant par l'avant-plan. Pour les personnages, l'idéal est de commencer par les principaux [58].
La deuxième technique d'audition permet de mettre l'oeuvre d'art dans son atmosphère, son contexte. Cela peut être réalisé au moyen d'un bruitage d'ambiance ou d'un morceau musical. Le guide de musée peut aussi lire des textes rédigés par l'artiste ou de ses contemporains qui ont évoqué la dite oeuvre dans leurs écrits. Pour que l'oeuvre d'art soit bien perçue par le visiteur déficient visuel, la combinaison de ces deux techniques me semble bien être la voie idéale [59].
Après avoir présenté cette méthode bipolaire que je dénommerais description et atmosphère, il me semble judicieux de fournir quelques remarques complémentaires. Tout d'abord, il est impératif de souligner que cette méthode, appliquée aux peintures, s'adresse principalement aux malvoyants qui possèdent ou ont possédé un résidu visuel suffisant pour pouvoir se représenter mentalement le tableau qui leur est présenté par le guide de musée. Les aveugles risquent, en effet, de juger cette méthode trop abstraite pour eux et vont généralement privilégier l'exploitation du toucher et des deux autres angles sensoriels que je vais aborder dans les prochains points de cette section.
La seconde remarque porte sur les tableaux choisis par le guide de musée. Il s'agit généralement de tableaux figuratifs. En effet, une oeuvre non-figurative relève davantage de l’abstraction. Or, une description orale présente déjà un caractère relativement abstrait. La combination de ces deux aspects risquent de rendre le travail de représentation mentale franchement plus complexe. Néanmoins, avec un guide de musée expérimenté, un mal-voyant, qui possède ou a possédé un bon résidu visuel, peut très probablement se représenter mentalement un tableau non-figuratif. Pour que cette méthode de description et atmosphère devienne plus performante, il faut que celle-ci soit régulièrement employée, évaluée et affinée par les guides de musée en charge de ces visites.
Certaines expériences récentes, attribuant une matière à chaque couleur, tentent de restituer une image visuelle sur support tactile. Cette méthode s'est vite révélée peu concluante aux yeux des trois groupes de déficients visuels. En effet, cette copie défigurée prive l'oeuvre de toute dimention artistique et esthétique. De plus, elle reste très abstraite et fort difficile à comprendre pour celui qui la touche. La méthode description et atmosphère est davantage appréciée et efficace que cette dernière [60].
c) Le sens olfactif:
Le sens olfactif peut également être mis à contribution par les guides de musée lors de l'adaptation d'une visite. En effet, certains matériaux possèdent une odeur typique que le visiteur déficient visuel connaît ou peut, avec l'aide du guide de musée, apprendre à identifier. Citons, par exemple, le bois ou bien encore la pierre. Des expositions, qui sont organisées dans un cadre naturel, peuvent aussi mettre en exergue le parfum délicat des plantes ainsi que des fleurs.
Les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire ont utilisé le sens olfactif lors de leur exposition intitulée: «La route de la soie». Cette exposition présentait une palette d'épices dont certaines dégagent un parfum très caractéristique que les visiteurs déficients visuels ont pu apprendre à identifier lors de cette visite.
d) Le goût:
Le sens du goût peut, à son tour, être sollicité par les guides de musée. Ils peuvent faire goûter certains produits à leurs visiteurs; les exemples les plus répandus sont les visites consacrées au vin ou au fromage. Pour reprendre une mise en oeuvre rencontrée lors de mes entretiens, le Musée royal de Mariemont organise régulièrement une cérémonie du thé selon le rite japonais. En plus de découvrir des habitudes culturelles propres à une autre culture que la nôtre, les voyants comme les déficients visuels ont l'occasion de goûter cette boisson.
3. L'approche par l'Histoire et la contextualisation:
Trop d'historiens n'accordent encore à l'art qu'une place secondaire, illustrative. Les oeuvres d'art sont là pour illustrer les grands événements historiques. Heureusement, avec l'évolution des mentalités, avec l'approche par les compétences dans l'enseignement secondaire, le rôle des oeuvres d'art et de l'histoire de l'art change dans les cours d'histoire. Actuellement, les documents iconographiques sont présentés aux élèves; les oeuvres d'art ont une valeur testimoniale reconnue. Mais, faute de formation esthétique, les enseignants se contentent d'analyser le contenu et passent généralement sous silence la dimension esthétique de l'oeuvre d'art. Pour les historiens d'art, la problématique est inversée. Ils peuvent, en effet, aborder les détails techniques et mettre en exergue la dimension esthétique de l'oeuvre d'art. Mais, ils manquent parfois du bagage historique nécessaire pour replacer correctement l'oeuvre dans le contexte historique de l'époque.
L'idéal, lors d'une visite en musée adressée au grand public, est, me semble-t-il, d'équilibrer l'aspect esthétique et historique de l'oeuvre d'art. En effet, cela permet d'initier le visiteur à la découverte technique et esthétique de l'oeuvre ainsi que de favoriser la découverte de l'histoire en donnant le contexte dans lequel l'artiste a vécu et l'oeuvre a été réalisée. Ainsi, le message que l'artiste a voulu faire passer transparaît dans toute sa force et sa complexité. Histoire et histoire de l'art deviennent alors réellement soeurs. Le nombre d'objectifs visés par le pédagogue est ainsi augmenté et diversifié [61].
Pour le public déficient visuel, le rôle de l'Histoire et de la contextualisation est très important. En effet, les déficients visuels ne peuvent distinguer tous les détails techniques de l'oeuvre, ce qui peut les empêcher d'apprécier toute la dimension esthétique de l'oeuvre d'art. C'est pourquoi, le recours à l'Histoire et à la contextualisation est si important; cela sert de "compensation".
La grande majorité des déficients visuels aiment connaître l'histoire de l'oeuvre d'art et sa place dans l'Histoire. Qui a réalisé cette oeuvre et à quelle époque ? L'oeuvre s'inscrit-elle dans son temps ou s'en démarque-t-elle ? Tous les guides de musée que j'ai rencontré durant mes entretiens présentent la dimension esthétique de l'oeuvre d'art et tous s'accordent pour donner une importance particulière à l'approche par l'Histoire et la contextualisation quand ils guident des déficients visuels dans le musée.
Voici quelques exemples concrets où cette approche se révèle très intéressante. Si, par exemple, une sculpture montre un ouvrier épuisé par son travail laborieux, le guide de musée peut insister sur le développement d’un art servant à sensibiliser la classe bourgeoise de la fin du dix-neuvième siècle. Ou, si une oeuvre de la Renaissance met en exergue le rôle de l'homme sur sa propre destinée, le guide peut comparer avec le Moyen-Age, qui insistait sur l'omnipotence divine et lire des textes qui appuient cette comparaison [62].
Autre exemple, si un tableau représente un banquet de mariage, le guide de musée peut alors décrire les rites qui régissent l'hyménée à l'époque où l'oeuvre a été peinte. Pour démontrer que les approches évoquées dans ce chapitre peuvent et doivent se combiner, le guide de musée peut faire toucher un morceau de tissus des costumes représentés sur le tableau et-ou faire goûter des bouchées servies à l'époque. Voilà donc quelques exemples qui, je l'espère, indiquent le rôle et la richesse de l'approche par l'Histoire et la contextualisation.
4. Quelques pistes de recherche:
La dernière section de ce chapitre propose des pistes de recherche afin d'améliorer la qualité des visites mises en place ou des futurs parcours que les membres du service pédagogique du musée seront amenés à mettre sur pied.
a) La fixation d'objectifs:
Quand le service pédagogique d'une institution muséale met sur pied un nouveau programme éducatif, il serait bon que celui-ci se fixe et formule des objectifs précis afin d'avoir une ligne directrice clairement établie. Parmi les objectifs dits d'apprentissage, les didacticiens dégagent trois sous-groupes: les objectifs de savoir, de savoir-faire et de savoir-être. Ce sont généralement les objectifs de savoir qui sont privilégiés; mais, les guides de musée s'attachent, de plus en plus souvent, à ouvrir le public à une sensibilité artistique, à une tolérance intellectuelle et esthétique, et donc, à développer un objectif de savoir-être. Les objectifs de savoir-faire peuvent aussi être facilement conçus et développés comme, par exemple, apprendre à l'oeil à regarder une oeuvre d'art. Dans mon échantillon, je n'ai pas rencontré de service éducatif qui formule clairement ses objectifs lors de l'élaboration d'un nouveau programme pédagogique; seul le Musée de Louvain-La-Neuve opère cette démarche de façon informelle.
Lors de l'élaboration d'un programme pédagogique pour le public déficient visuel, les membres du service éducatif du musée peuvent aussi se fixer et formuler des objectifs. Reste alors à distinguer les objectifs spécifiques à ce public de ceux qui sont communs à tous les visiteurs du dit musée. Lors de l'évaluation, que ce soit pour un programme éducatif adapté ou non, les membres du service pédagogique pourront constater si les objectifs préalablement fixés ont été remplis, s'ils répondent à la demande et aux besoins du public et s'ils doivent ou non être modifiés. S'il s'agit d'une visite avec plusieurs petits groupes, il est judicieux que les guides changent de groupe lors de l'évaluation car, lors des questions portant sur le travail du guide, la personne risque de taire ses critiques éventuelles face à son guide.
b) Une évaluation pour le visiteur déficient visuel:
Pour réaliser le questionnaire d'évaluation qui suit, je me suis directement inspirée des propositions d'évaluation consignées dans le guide de M. Allard [63]. J'ai alors conçu un projet de questionnaire adapté au public déficient visuel. Il ne s'agit que d'une piste de recherche qui n'a encore jamais été expérimentée sur des visiteurs déficients visuels mais qui, je l'espère, pourraient mieux éclairer les services pédagogiques sur les attentes, les besoins et le degré de satisfaction de ce nouveau public.
Pour un déficient visuel, il est préférable que l'évaluation se fasse oralement. Le guide de musée ou l'un de ses collaborateurs peut lire les questions au visiteur, enregistrer ses réponses ou en prendre rapidement note. Avant d'entamer un questionnaire d'évaluation à proprement parler, il est bon de réaliser une fiche d'identité visant à mieux cibler le visiteur et, par voie de conséquence, à affiner les résultats obtenus lors de l'évaluation en fonction de l'âge, du sexe, du niveau socioculturel, du degré d'assiduité au musée et du niveau de vision de la personne interrogée.
1 Quel âge avez-vous - homme ou femme ?
2 Où en êtes-vous dans votre cursus scolaire - avez-vous une profession et-ou une formation spécifique ?
3 Quels sont vos principaux centres d'intérêt ?
4 Vous rendez-vous régulièrement au musée, à quelle fréquence ?
5 Etes-vous déjà venu dans cette institution muséale, si oui à quelle occasion ?
6 Pourquoi êtes-vous venu dans ce musée - seul ou avec qui - dans quel contexte ?
7 Pouvez-vous décrire votre niveau de vision - Votre problème visuel est-il stable ou non ?
Le remplissage d'une fiche d'identité et d'un questionnaire d'évaluation doit rester facultatif vu le caractère personnel des questions posées et peut rester anonyme. En ce qui concerne la dernière série de questions de la fiche d'identité relatives à la vision, le lecteur doit, à mon avis, rappeler son caractère facultatif afin que le visiteur déficient visuel se sente le plus détendu possible et respecté. Néanmoins, ce sont ces questions qui font la pertinence et la richesse de l'évaluation.
Voici le questionnaire d'évaluation proprement dit:
1 Quelle oeuvre ou ensemble d'oeuvres avez-vous préféré et pourquoi ?
2 Quelle oeuvre ou ensemble d'oeuvres avez-vous le moins apprécié et pourquoi ?
3 Quels outils didactiques (fiches signalétiques, plans et cartes en relief, maquettes, objets de la mallette didactique, ...) avez-vous utilisés ? Vous ont-ils aidé à mieux percevoir les oeuvres d'art ? Estimez-vous que leur qualité était satisfaisante, si non, comment voudriez-vous qu'ils soient mieux adaptés ?
4 Est-ce que le travail du guide de musée vous a satisfait, commentez votre réponse, si non, pourquoi et comment y remédier ?
5 Estimez-vous que cette visite au musée vous a apporté un enrichissement, si oui, de quelle nature, si non, pourquoi et comment y remédier ?
6 Comptez-vous revenir dans cette institution muséale, si oui ou non, pourquoi ?
c) Une étude comparative entre déficients visuels et voyants:
Au fil des pages de ce mémoire de D. E. A., j'ai avancé, avec le soutien des guides de musée que j'ai rencontré, que les déficients visuels constituent un microcosme de la Belgique. Il serait donc à la fois pertinent et intéressant de comparer les réactions du public voyant et du public déficient visuel face aux oeuvres d'art afin d'affiner et d'éventuellement nuancer ce point de vue. Voyants et déficients visuels partagent-ils les mêmes conceptions au sujet de l'art ? Leur perception de l'art est-elle influencée par les mêmes facteurs ?
La perception classique de l'art dans notre civilisation occidentale reste profondément liée à la définition de l'art héritée de l'esthétique gréco-latine. Depuis 150 ans, la science a accompli des progrès majeurs qui ont littéralement révolutionné le quotidien comme la vision du monde; mais, beaucoup d'Occidentaux continuent à privilégier un conformisme artistique défendant l'esthétique antique comme paradigme [64].
En plus de cette conception traditionnelle en vigueur dans le monde occidental, il existe différents facteurs externes et internes qui influencent la perception de l'art. Le premier facteur externe est la culture. L'origine cultuelle d'un individu a un impact direct sur sa perception de l'art. Par exemple, les Italiens sont très sensibles à l'art; celui-ci est présent dans chaque village depuis des millénaires et fait donc partie intégrante de la vie quotidienne des Italiens, ce qui stimule leur sensibilité esthétique. Le second facteur externe est le milieu social. Dans le cadre qui nous occupe, ce n'est pas le facteur économique et financier qui est prépondérant même s'il possède une influence non négligeable. Il est donc préférable d'étudier le niveau socioculturel de la personne. Pour ce faire, la qualité de l'initiation à l'art prodiguée par l'institution scolaire est déterminante au même titre que les conceptions du milieu familial en matière d'art.
Le premier facteur interne est physiologique; tous les yeux ne perçoivent pas les couleurs et leurs nuances de la même façon. Pour le public déficient visuel, l'étude de ce facteur est, bien entendue, biaisée, voire, non-pertinente. Le deuxième facteur interne est psychologique. La perception et la réaction d'un individu face à une oeuvre d'art peut fluctuer notablement en fonction de son âge, de son développement cognitif et de ses préoccupations personnelles du moment. Une personne peut, par exemple, détester une oeuvre d'art car elle est, ce jour-là, d'humeur mélancolique ou que l'oeuvre lui rappelle de mauvais souvenirs. Le dernier facteur interne est cognitif. La capacité de la personne à globaliser ou à nuancer, à rationaliser, à s'ouvrir à de nouvelles idées, à évaluer sa subjectivité et à dépasser son seul goût personnel ont un impact direct et majeur sur la perception de l'art.
Il serait donc intéressant de comparer les perceptions de l'art qu'ont les voyants et les déficients visuels. Pour ce faire, il faudrait établir des échantillons comparables sur le plan sociodémographique. Cette évaluation pourrait avoir lieu en deux temps: un pré-test avant la visite au musée et un post-test après la dite visite. Cette double évaluation pourrait avoir lieu dans un cadre associatif ou scolaire. Pour le cadre scolaire, il faudrait réunir des déficients visuels comme, par exemple, des universitaires.
pré-test:
1 Qu'est-ce qui attire votre attention pour cette oeuvre ?
2 Quelles sont les questions que vous vous posez face à cette oeuvre ?
3 Considérez-vous que cette oeuvre est de l'art ? Argumentez votre réponse.
4 Aimez-vous cette oeuvre, si oui ou non, pourquoi ?
5 Estimez-vous que cette oeuvre est bien faite ?
6 Aimeriez-vous posséder cette oeuvre; si oui, où la placeriez-vous ?
7 Qu'est-ce que cette oeuvre vous inspire au sujet de la personne qui l'a réalisée ?
8 Avez-vous déjà rencontré une pareille oeuvre, si oui, où ?
post-test:
1 Est-ce que cette oeuvre vous rappelle quelque chose ?
2 Maintenant, qu'est-ce qui attire le plus votre attention face à cette oeuvre ?
3 Vous posez-vous de nouvelles questions au sujet de cette oeuvre ?
4 Estimez-vous que cette oeuvre est de l'art ? Argumentez votre réponse.
5 Croyez-vous que vous pourriez réaliser une oeuvre de ce genre, pourquoi ?
6 Qu'aimeriez-vous dire ou demander à la personne qui a réalisé cette oeuvre ?
7 Aimez-vous cette oeuvre, si oui ou non, pourquoi ?
Lors des deux étapes de l'évaluation, les mêmes oeuvres doivent être présentées aux personnes qui se plient à ce test. Cette recherche est particulièrement pertinente et intéressante pour l'art contemporain car, comme je l'ai évoqué plus haut, c'est cet art qui suscite le plus de controverse.
Conclusion:
Il existe donc des techniques d'adaptation très variées pour permettre aux déficients visuels de percevoir et de comprendre les oeuvres d'art. Le choix d'une approche est directement influencé par l'oeuvre elle-même, les caractéristiques des visiteurs et les moyens logistiques et concrets qui sont disponibles. Il me semble, qu'au sein d'un même parcours, il ne faut pas hésiter à varier les approches; la variété permet, en effet, de stimuler l’attention du public et d'augmenter les chances de répondre aux attentes de tous les déficients visuels.
La mise en oeuvre de projets de recherche peuvent permettre d'affiner encore sensiblement la qualité des parcours adaptés et, tout particulièrement, pour le ciblage du public (différence-ressemblance) et pour l'évaluation. Pour ce faire, j'ai tenté d'élaborer, avec l'aide du guide élaboré par M. Allard et de ses confrères, des questionnaires d'évaluation et d'étude comparative pertinents qui, je l'espère, pourront éveiller l'idée de la mise en place concrète d'études de cette nature.
Conclusion générale:
Les déficients visuels ont tous les âges; ils sont enfants, parents ou grands-parents. Ils sont originaires de toutes les couches socioculturelles et ont des professions et des centres d'intérêt variés. Il ne constituent donc pas un public uniforme. Le concept de "déficience visuelle" s'applique à tous les mals et non-voyants. Mais, en fonction du niveau de vision, les besoins et les souhaits lors d'une visite dans une institution muséale varie notablement; il est donc bon que le guide de musée connaisse le niveau de vision des visiteurs et qu'il s'adapte en conséquence.
J'ai rencontré et discuté avec les responsables des visites à destination du public déficient visuel de cinq musées belges francophones d'art importants. J'ai pu constater l'ouverture d'esprit, le dynamisme et le souci de faire mieux des différents services pédagogiques. Cependant, j'ai aussi noté un manque général et cruel de moyens financiers. Ce phénomène a des conséquences directes sur le travail des services éducatifs des musées. En effet, ils ne peuvent toujours concrétiser les parcours qu'ils imaginent, et ce, faute de financement. Je profite donc de l'occasion qui m'est donnée pour m'insurger contre cet état de fait et pour souligner l'importance capitale de ces financements.
Les institutions muséales connaissent aussi des difficultés pour promouvoir correctement les expositions et les événements culturels organisés. L'adressographe, le journal du musée, les associations pour déficients visuels ainsi que le bouche à oreille ne suffisent pas toujours. C'est pourquoi, certains musées enquêtent sur le terrain de l'informatique et d'internet; mais, peu de déficients visuels utilisent régulièrement et de façon autonome internet. Cela reste donc un domaine où les institutions muséales doivent creuser pour augmenter le nombre de visiteurs potentiels.
Pour correctement adapter une visite pour le public déficient visuel, il est important de s'équiper d'outils didactiques de qualité. Certains peuvent être réalisés par les associations et d'autres par les musées. Ceux-ci doivent évoluer en fonction des attentes du public visé et des progrès technologiques: catalogues d'expositions sur CD, synthèses vocales sur les ordinateurs, maquettes en 3D,... Ils peuvent aussi prendre place dans ce que les guides de musée nomment la mallette didactique. Celle-ci peut, par exemple, contenir les outils du sculpteur, des échantillons de matériaux, des étoffes reproduisant des vêtements d'époque en miniature,... Ces derniers outils didactiques présentent l'avantage d'être utilisables avec d'autres publics comme, par exemple, les enfants voyants.
Lors de l'élaboration d'un programme éducatif adapté, la créativité est loi dans les institutions muséales. Pour ce faire, j'ai proposé, au fil des pages de ce mémoire, différentes voies d'approche. Tout d'abord, l'approche multisensorielle de l'art me semble être la méthode la plus efficace pour couvrir et satisfaire le public le plus large possible. Le toucher subsidiaire, la méthode de description et atmosphère, la découverte par l'odeur et le goût, voilà quelques suggestions concrètes pour que l'adaptation soit efficace et plaisante.
La deuxième approche, qui peut et doit, à mon avis, compléter la première, insiste sur le rôle de l'Histoire et de la contextualisation. Connaître l'histoire de l'oeuvre d'art dans le cadre de l'Histoire permet aux déficients visuels de combler le fait qu'ils ne peuvent distinguer et apprécier les détails techniques relatifs à l'oeuvre d'art.
J'ai, enfin, proposé quelques pistes de recherche comme un questionnaire d'évaluation et un autre servant à comparer les perceptions de l'art des voyants et des déficients visuels. La mise en oeuvre de recherches de cet ordre pourraient permettre d'affiner les connaissances au sujet des besoins et des attentes de ce nouveau public et d'améliorer les visites mixtes composées de déficients visuels et de voyants. En effet, l'intégration des déficients visuels au sein de ce monde de voyants est, au fil des jours, une réalité de plus en plus palpable.
J'insisterai encore sur le fait que fixer des objectifs précis lors de l'élaboration du programme éducatif s'avère à la fois pertinent et efficace. En effet, lors de l'évaluation, les membres du service pédagogique de l'institution muséale peuvent constater si ceux-ci ont bien été remplis, s'ils sont pertinents et suffisants. C'est par l'évaluation, la remise en question et le dialogue que l'on évolue et que l'on améliore.
Mon souhait est que ce mémoire de D. E. A. serve à sensibiliser un maximum de voyants: la grande majorité des déficients visuels sont des personnes qui, malgré un handicap physique, désirent vivement s'intégrer dans la société actuelle et profiter de toutes ses richesses, et donc, de la beauté esthétique et culturelle de l'art.
J'espère encore que l'une ou l'autre des suggestions et pistes de recherche contenues dans le dernier chapitre de ce mémoire serviront d'inspiration aux guides de musée qui adaptent les visites pour le public déficient visuel.
J'ose, enfin, espérer que je pourrai un jour prochain utiliser moi-même l'une de ces idées ou l'une de ces pistes de recherche en tant que guide de musée.
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Cahiers du Musée national d’art moderne, 1987-2005.
Courrier du passant. Bulletin trimestriel du musée de Louvain-La-Neuve, 1990-2005.
Handicaps et inadaptations, 1980-2005.
L’année psychologique, 1990-2005.
Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, 1980-2005.
Perspectives documentaires en éducation, 1994-2004.
Revue des archéologues, historiens d’art et musicologues de l’UCL, 1980-2004.
Revue du Louvre et des musées de France, 1990-2004.
Revue française de pédagogie, 1990-2005.
Voir, 1990-2005.
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[1] La liste des revues dépouillées figurent en bibliographie.
[2] Mon échantillon compte cinq musées. Les Musées royaux d'art et d'histoire du Cinquantenaire sont les seuls à disposer d'une longue expérience des visites pour le public déficients visuels. En effet, le musée pour aveugles a ouvert ses portes en 1970.
[3] Les professionnels de ce secteur d'activité sont ceux qui travaillent avec et pour les déficients visuels: assistants sociaux, psychologues, ergothérapeutes sans oublier les ophtalmologistes. Ils sont généralement regroupés au sein d'associations.
[4] Le colloque de l'Oeuvre Nationale des Aveugles de Louvain-La-Neuve en 1998, qui propose un état de la question de l'accès à l'art pour les mal et non-voyants, emploient, de façon systématique, cette formulation quand ils visent l'ensemble du public ciblé. Arts plastiques et cécité. Colloque par l'oeuvre nationale des aveugles, Bruxelles Louvain-La-Neuve, 1998.
[5] Cette catégorisation convient bien pour la préparation et la mise en oeuvre des visites adaptées. Dans d'autres domaines, elle devrait peut-être être approfondie. Cependant, les guides de musée l'approuvent au même titre que les professionnels de ce secteur d'activité.
[6] La qualité de précision de l'image mentale que se fait le déficient visuel fluctue en fonction du niveau et des caractéristiques de sa vision.
[7] Je fais partie des malvoyants évolutifs.
[8] Je reviendrai dans le détail sur les techniques de description d'un tableau dans le troisième chapitre de ce mémoire.
[9] Représenter un volume sur papier n'offre pas le même rendu, et ce, même s'il y a du relief. Quant aux objets en miniatures, je vais développer cette option dans le troisième chapitre de ce mémoire.
[10] Les guides de musée que j'ai rencontrés s'accordent sur ce chiffre maximum de quatre à cinq déficients visuels pour un guide.
[11] C'est à la fois la gravité de la déficience visuelle, l'âge et l'état psychologique de la personne qui détermine si celle-ci peut et doit apprendre l'écriture braille. En outre, cette écriture demande une pratique régulière pour être appropriée et maîtrisée, et ce, autant pour l'écriture que la lecture.
[12] Le numéro de collection de l'oeuvre peut être retiré sans que cela n'ennuie le visiteur. Le prénom de l'artsiste peut être réduit à son initiale. Voilà quelques idées pour diminuer l'importance de la fiche signalétique braille.
[13] Je compte revenir sur la meilleure façon d'adapter une fiche signalétique braille dans le troisième chapitre de ce mémoire: mon objectif est de proposer une étude évaluant la meilleure façon de placer la fiche signalétique.
[14] Je reviendrai sur les voies ouvertes par les progrès technologiques dans le point d de ce chapitre.
[15] La majorité des déficients visuels n'on pas de chien, et ce, par choix ou parce que l'offre ne répond pas actuellement à la demande.
[16] Cette méthode de guidage est préconisée par les professeurs de locomotion.
[17] Des musées pour tous. Manuel d'accessibilité physique et sensorielle des musées, Paris, 1992.
[18] Actuellement, internet n'est directement accessible que pour une petite minorité du public déficient visuel.
[19] Je reviendrai sur les perspectives d'avenir avec l'informatique dans le troisième chapitre de ce mémoire.
[20] Ce phénomène vise principalement les malvoyants, et surtout, les malvoyants évolutifs qui désirent profiter au maximum et le plus longtemps possible de leur résidu visuel. Je fais partie du nombre.
[21] FOCANT J., La régulation métacognitive: un enjeu majeur chez les enfants en difficulté dans les apprentissages scolaires, in Handicap. Revue de sciences humaines et sociales, 2004, n°101-102, p.33-45. NOEL B., ROMAINVILLE M, WOLFS J.-L., La métacognition: facettes et pertinence du concept en éducation, in Revue française de pédagogie, n°112, juillet-août-septembre 1995, p.47-56.
[22] G. Vanbeveren insiste sur cette idée d'un public semblable au public voyant; c'est d'elle qu'émane cet intitulé de «microcosme de la Belgique».
[23] D'autres musées auraient probalement pu répondre à ces critères et intégrer l'échantillon; mais, j'ai opéré une sélection pour des raisons pratiques.
[24] ALLARD M. , LAROUCHE M.-C., MEUNIER A., THIBODEAU P., Guide de planification et d’évaluation des programmes éducatifs. Lieux historiques et autres institutions muséales, Montréal, 1998.
[25] VANBEVEREN G., Une approche particulière du patrimoine: le musée pour aveugles, in Revue des archéologues, historiens d'art et musicologues de l'UCL, n°2, 2004, p.106-107.
[26] VAN HALPHEN J., Exposition au musée des aveugles 1981-1982: la cathédrale, in Bulletin des musées royaux d'art et d'histoire, n°54-2, 1983, p.106-110.
[27] Propos tenu par G. Vanbeveren durant notre entretien.
[28] Lors d'une visite avec des voyants uniquement, G. Vanbeveren présente réellement une petite vingtaine d'oeuvres d'art.
[29] La prochaine exposition débute en septembre 2006 et sera consacrée aux Indiens d'Amérique.
[30] Un courrier destiné à un déficient visuel est un cécogramme; c'est gratuit.
[31] Propos tenu par G. Vanbeveren durant notre entretien.
[32] Citation de S. De Dryver durant notre entretien.
[33] Les membres des Amis du musée sont des bénévoles dont l'aide est indispensable au service éducatif.
[34] Propos tenu par A.-F. Rasseaux lors de notre entretien.
[35] RASSEAUX A.-C., Le service pédagogique du musée royal de Mariemont, in Revue des archéologues, historiens d'art et musicologues de l'U. C. L., n°2, 2004, p. 108-109.
[36] BRUWIER M.-C., Le service pédagogique de 1975 à 1985, in Cahiers de Mariemont, vol. 16, 1985, p. 41-50.
[37] Sur ce point, il m'est très difficile d'être objective; en effet, je partage ce point de vue et je pourrais peut-être effectuer ce travail.
[38] Constantin Meunier (1831-1905) est un peintre et sculpteur belge très connu pour ses oeuvres qui montrent la réalité du monde ouvrier belge de la fin du dix-neuvième siècle.
[39] Comme il s'agit de réalisations menées par un groupe d’étudiants, la qualité du travail effectué varie notablement d'une oeuvre à l'autre. C'est pourquoi, certaines cartes postales sonores sont plus utilisées que d'autres.
[40] Les personnes âgées sont, en général, plus rapidement fatiguées et mettent généralement davantage de temps pour toucher les oeuvres. A l'opposé, certains adolescents et certains jeunes adultes préfèrent découvrir plus d'oeuvres d'art et touchent plus vite sans accorder autant d'importance aux petits détails. Les guides de musée tentent de s'adapter aux besoins et aux souhaits de chacun.
[41] S'il s'agit d'un groupe d'enfants, les petits groupes sont constitués en fonction du niveau de vision; pour les adultes, les guides de musée laissent les petits groupes se former en fonction des affinités.
[42] Dans la visite à laquelle j'ai assisté, il s'agissait uniquement d'oeuvres figuratives.
[43] Ce guide s'occupe principalement des visites du site minier et travaille rarement dans les expositions, et ce, par choix et par facilité car il connaît son champs d'investigation qui ne change pas tous les six mois.
[44] J'aime assister à chaque travail de préparation; mais, avec mes études, ce n'était malheureusement pas toujours possible.
[45] Les supports en relief sont imprimés par les Amis des aveugles.
[46] Comme ces visites ont lieu en semaine et durant la journée, il est difficile à des enfants ou à des personnes travaillant à temps plein d'y assister.
[47] Je reviendrai sur l'approche multisensorielle dans le chapitre suivant.
[48] G. Vanbeveren parvient à obtenir un financement pour les expositions au Musée pour aveugles car ce dernier a une réputation européenne, une image de marque; mais, cela lui coûte un temps incalculable en dossiers et en demandes administratives.
[49] Une fiche signalétique braille doit reposer sur un support fixe et être légèrement incliné vers le haut par rapport à l'horizontal.
[50] D'après les guides de musée que j'ai rencontrés, le bouche à oreille est encore la méthode de diffusion la plus efficace.
[51] Je reviendrai sur l'évaluation dans la quatrième section.
[52] L'intégration d'un enfant handicapé dans une classe n'est pas sans poser de problèmes aussi bien pratique que relationnels. Les enfants voyants doivent être sensibilisés et un climat d'égalité doit être favorisé pour réduire la jalousie ou la rancune.
[53] Actuellement, les services pédagogiques des musées exploitent ou envisagent d'exploiter l'approche multisensorielle de l'art.
[54] Un courrier adressé à un déficient visuel est un cécogramme; son envoi est gratuit.
[55] Le nombre de déficients visuels qui utilisent internet, est encore minoritaire; mais, il augmente avec le perfectionnement des logiciels d'adaptation.
[56] C'est une idée promue par les Musées royaux d'art et d'histoire.
[57] Certains guides refusent d'interroger les visiteurs sur leur niveau de vision; ce refus est généralement la conséquence d'un manque d'expérience. Cette inexpérience peut diminuer la qualité de la visite.
[58] Les conclusions de cette étude conjointement menée par les Musées royaux des Beaux-Arts et la Ligue braille seront connus lors du colloque de mai 2007.
[59] Cette méthode est, certes, assez subjective et donne de bons résultats comme l'attestent les membres du service éducatif des Musées royaux des Beaux-Arts qui utilisent les cartes postales sonores réalisées par l'IAD.
[60] Je tiens à souligner que les guides de musée expérimentés m'aprouvent sur ce point.
[61] Grâce à mon D. E. A. en didactique de l'histoire et de l'histoire de l'art, j'ai pu me rendre compte de la richesse dégagée par l'union de ces deux disciplines.
[62] L'exemple de la sculpture m'a été inspiré par ma visite au Musée Meunier que j'ai découvert avec M.S. Gilleman.
[63] ALLARD M., Op.cit.
[64] Ces lignes consacrées aux facteurs qui influencent la perception de l'art s'appuient sur le cours de didactique de l'histoire de l'art donné par M.-E. Ricker.